Maurizio Pollini

Maurizio Pollini à la Maison Symphonique | Le retour du grand maître

Dans le milieu de la musique classique, le passage de Maurizio Pollini en récital à la Maison Symphonique équivaut à celui de U2 au Centre Bell. Ce fut en effet une salle pleine et plutôt silencieuse (pour une fois), qui a accueilli le grand artiste, dont les multiples disques enregistrés au cours de sa carrière sont devenus des références pour tous les musiciens.

Depuis son premier prix au Concours international de piano Frédéric Chopin de Varsovie en 1960, Maurizio Pollini est devenu un interprète légendaire du compositeur polonais et de bien d’autres encore. Récipiendaire de nombreux prix prestigieux, les mélomanes montréalais étaient hier en effervescence pour la venue du grand pianiste, lui qui ne s’est arrêté que quelques fois à Montréal.

C’est donc avec Chopin, son compositeur fétiche, que Maurizio Pollini a entamé son récital, lui dédiant toute la première partie : le Prélude en do dièse mineur op.45, tout d’abord, puis la Barcarolle op.60 et finalement la Sonate n°2 op.35, dite « funèbre ». Dès les premières notes, le spectre des résonances du piano s’élève dans la salle. Le pianiste, qui interprète des œuvres jouées des milliers de fois en concert, possède encore cette innocence que seuls les plus grands ont : une faculté de se réinventer sans cesse, de ne pas paraître ennuyé, de donner l’impression de redécouvrir la partition, avec une certaine lucidité et une assimilation dépassée de la musique.

Le tout dans une position d’interprétation assez haletante et bousculée, libérée des codes et passionnante d’un bout à l’autre. La structure des œuvres émerge alors clairement, tandis que toute la place est laissée au lyrisme de la musique, qui laisse couler des phrases d’une extrême poésie. Malgré le romantisme tourmenté et la passion éclatante, Maurizio Pollini interprète tout cela avec sérénité, sans geste inutile ou maniéré et surtout, sans se restreindre dans les prises de temps, notamment dans le dernier mouvement de la sonate, véritable tourbillon tumultueux et frénétique. Nous sommes bien au-dessus d’adhérer ou non à ses choix interprétatifs : l’essentiel est ailleurs, dans un monde supérieur qu’il est difficile de décrire.

La deuxième partie était consacrée à Debussy, et plus précisément au deuxième livre des Préludes. Douze préludes, comme douze tableaux distincts. Surgissent des harmonies colorées dont le compositeur français s’est fait maître en représentant différentes ambiances ou images : l’humour côtoie la douceur, le lyrisme se superpose au rêve, la poésie est ponctuée de surprises. Encore une fois, chaque note était à sa place, dans un imaginaire chatoyant et expressif.

Face à un récital de cette envergure, il en est même très difficile de trouver les mots justes pour décrire un moment aussi immense que celui que nous avons vécu hier. Et ce ne sont pas moins de trois bis, tous de Chopin, que le pianiste est revenu donner avec beaucoup de générosité, devant des spectateurs médusés : le 3ème Scherzo, la Berceuse et l’Étude n°11 op.25 pour finir sur une touche de virtuosité. À 76 ans, Maurizio Pollini a une fois de plus conquis le public, emporté par l’humilité et la classe de ce grand monsieur du piano.

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