Montréal Complètement Cirque 2014 | Retour sur The Rendez-vous de Krin Haglund au Théâtre de Quat’Sous

Sorstu.ca a assisté lundi soir à The Rendez-vous, un one woman show présenté au St-Ambroise Fringe de Montréal l’été dernier et repris cette année dans le cadre de la 5e édition du festival Montréal Complètement Cirque. Compte-rendu d’un rendez-vous manqué.

Si Krin Maren Haglund est une artiste multidisciplinaire — clown, acrobate, jongleuse, chanteuse, etc. —, elle a aussi été la première femme à s’adonner à la discipline de la roue Cyr et s’est notamment fait connaître dans le rôle de l’ange dans Rain, du Cirque Éloize.

La prémisse de son premier spectacle solo The Rendez-vous est toute simple, et aurait pu donner lieu à toutes sortes de délires : elle a un rendez-vous, elle attend son galant, en vain. On serait en droit de s’attendre à ce qu’elle exploite ses multiples talents en liant ne serait-ce que subtilement les numéros qui constituent sa proposition dans ce contexte de départ.

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Photo de courtoisie. Crédit : The Radiant

 

Éparpillé

Pendant plus d’une heure, on assiste plutôt à un melting pot de numéros loufoques et plus ou moins comiques dont l’interprétation se situe toujours à la limite du burlesque et du cabotinage. Déjantée, les yeux exorbités, la mimique plus qu’expressive, l’excentrique Haglund multiplie les efforts pour nous charmer, nous entertainer et tromper l’attente de son personnage — et sa déception.

Sur des musiques jazz ou électroswing, parfois sur des airs de piano, Haglund évolue sur scène, s’habille, se pomponne, se change derrière un paravent, apparaît tantôt en pointes de ballet, tantôt aux tissus aériens ou au trapèze, s’emmêle dans ses interminablement longs colliers de perles, joue de l’épée avec une baguette de pain, transforme ses bas en marionnette, récite à certains moments quelques phrases pseudopoétiques-pseudohumoristiques au micro…

Ça part un peu dans tous les sens, à défaut d’en avoir, du sens… D’un autre côté, n’est-ce pas le propre du cabaret? N’est-ce pas divertissant? C’est décalé, certes, mais on aurait apprécié davantage de cohérence, une proposition qui serait allée dans le sens du titre, et qui l’aurait alimenté.

 

Interaction avec le public

Comme dans bien des spectacles de cirque contemporain, la mise en scène intégrait quelques moments d’interaction, de participation, même, du public. Soit en lui distribuant des fleurs, au début, qu’on lui relancera sur scène après un extrait du Lac des cygnes, soit en le faisant souffler dans des bouteilles de vin (comme dans Cirque Prom) pour reproduire la célèbre mélodie du mariage, soit en l’invitant sur scène pour un verre.

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Photo de courtoisie. Crédit : Sage Rebelle

Au cours de ce numéro, peut-être celui qui s’est le plus démarqué, après s’être fait verser quelques verres, qu’elle aérera en faisant tourner sa coupe dans tous les sens, elle se contorsionne, assise par terre, la coupe entre les orteils, et en boit à grandes gorgées le contenu, en redemande. Cette séquence est habilement menée, dosée, juste assez lente, illustrant l’impatience du personnage à s’abreuver de nouveau, yeux écarquillés, avide.

Le délire atteint son paroxysme lorsqu’elle se glisse sous la nappe et se relève la portant en guise de robe, avec le chandelier sur la tête, s’improvisant chanteuse d’opéra ou tragédienne grecque, complètement patraque, chantant la comptine Alouette pour la 2fois, avant de commencer son numéro de trapéziste. Pour le dernier acte, elle marchera sur le goulot de quelques bouteilles de vin, numéro également présenté dans Cirque Prom au Fringe il y a quelques semaines auquel elle a ajouté des roses, qu’elle récupère au fur et à mesure qu’elle progresse. Arrivée au bout de son parcours, boum, ça finit comme ça… Ah oui?

 

À resserrer?

Après une accumulation de temps morts et de silences parfois d’une longueur malaisante, on se demande si, des quelques 75 minutes qui composent le spectacle, en retrancher une quinzaine ou une vingtaine aurait eu pour effet positif de resserrer la mise en scène (Alisan Funk), d’y donner du rythme et de mieux servir les numéros, dont l’enchaînement aurait pu être plus fluide, naturel, aboutissant sur une évolution du personnage.

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Photo de courtoisie. Crédit : The Radiant

On se demande aussi quelle était la réflexion derrière la proposition. Et quelles en sont les différentes lectures, s’il y a lieu. Avenue possible : on illustre l’attente de la protagoniste en enfilant les numéros ludiques comme l’aurait fait un enfant qui passe d’un jouet à un autre pour meubler son temps, toujours insatisfait de ce que celui qu’il a choisi a à lui offrir, son attention étant concentrée sur un autre objet, inaccessible?

Le talent, la renommée et le dévouement de Krin Haglund sont indiscutables — on salue les couilles qu’elle a eues de présenter un premier show solo, vraiment —, et on se serait attendu à mieux : plus d’éclat, plus de subtilité, plus de construction.

Elle est une artiste qui semble très appréciée du milieu circassien, comme en témoignaient hier les exclamations d’enthousiasme au Quat’Sous, qui a ri, souvent, on en convient. Le public était donc au rendez-vous, et a bien tenu son rôle habituel : il ne faudrait pas que Montréal, capitale mondiale de l’ovation debout systématique, perde son titre.

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