Normal Desires

Normal Desires (par Émile Pineault) à La Chapelle Scènes Contemporaines | Une révélation!

Les titres anglais ont la cote depuis quelque temps en danse actuelle. Une tendance aussi agaçante que la formule du « Bonjour Hi » appliquée jusqu’en chorégraphie. Mais passons, car le talent n’a pas de langue, et Émile Pineault nous en fait une brillante démonstration avec son « Normal Desires », un premier solo très personnel, intime même, dont il est à la fois l’interprète et le metteur en scène.

Daniel Soulières, le fondateur et directeur artistique de Danse-Cité depuis 1982, parle de lui sous le vocable de « danse impulsive », en ajoutant : « Émile englobe ainsi des intérêts multiples incluant la sollicitation d’états intérieurs qui font bondir le corps et la résonance avec l’environnement, cherchant à se surprendre, tant lui que son œuvre ».

Doté d’une enviable formation d’acrobate acquise tout jeune, aguerri déjà au concept de plaisir-douleur, Émile Pineault propose pour son solo initial un foisonnant mélange de danse, de pantomime et d’acrobatie, autrement dit une performance inclassable où avec son talent brut il explore la dramaturgie du mouvement dans un environnement sensoriel des plus sophistiqués.

* Photo par David Wong.

Normal Desires, aboutissement de deux années de travail intense, commence avec un long silence, pendant que le spectateur reste plongé dans le noir total. La présence de l’artiste au sol en fond de scène est à peine perceptible. Puis, on distingue une masse corporelle qui se meut lentement avec des mouvements ondulatoires, telle une limace rampante. Ce n’est que très progressivement que le performeur se redressera, passant de l’horizontalité à la verticalité au rythme envahissant des éclairages ultra efficaces de Julien Brun, et du puissant environnement sonore composé par Joël Lavoie en véritable ingénieur. Deux expérimentations qui apportent énormément de tonus artistique à ce spectacle d’à peine une heure, mais terriblement exigeant pour son interprète.

Car il n’y a pas seulement le jeu corporel, et la sensorialité des mouvements sinueux d’une anguille au sol, qui sont exploités ici. Le dispositif scénique est d’une grande complexité, inter relié à des capteurs d’ondes électromagnétiques transmettant avec une précision inouïe le son amplifié des lampes au sodium ou des néons atmosphériques qui viennent dicter à la seconde près les gestes et la respiration même du performeur.

* Photo par David Wong.

En transgressant les disciplines, Émile Pineault crée un monde qui lui est propre. Son vocabulaire scénique, auquel s’ajoutera une énorme structure gonflable venant pourfendre le brouillard de glace sèche ambiant, relève d’une texture artistique livrée en pâture. Normal Desires ne manquera pas d’atteindre au vif les plus blasés des shows d’avant-garde dont les limites, comme ici, sont sans cesse repoussées. Comme l’écriture d’un poème visuel aussi révélateur que nos désirs les plus anormaux.

Enfin, ajoutons qu’Émile Pineault travaille de pair actuellement avec l’artiste de cirque Claude Doucet sur une nouvelle performance, cette fois en duo, et qui sera à surveiller de très près.

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