Opéra de Montréal

Opéra de Montréal | Les trompettes d’Aïda en deux temps

L’Opéra de Montréal lançait hier soir sa 37ème saison avec une méga production connue de tous : le célèbre Aïda de Giuseppe Verdi, donné pour la première fois ici en 1994. Vingt-deux ans plus tard, les décors et costumes d’origine sont réutilisés et la recette a l’air de fonctionner puisque c’est une salle comble et enthousiaste qui a accueilli cette première à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Aïda, connu comme l’un des plus gros succès opératiques de tous les temps, se déroule sur trois actes et a été créé au Caire en 1871. Il fait partie de ces opéras qui, par leur grandeur et leur trame classique, sont accessibles à tous.

Crédit photo : Yves Renaud

Crédit photo : Yves Renaud

L’histoire d’Aïda se déroule alors que l’Égypte est sur le point d’être envahie par l’Éthiopie. Aïda est une esclave éthiopienne au service de la fille du pharaon, Amneris, dont elle est la principale confidente. Les deux jeunes femmes sont éprises de Radamès, le commandant en chef des armées d’Égypte, mais ce dernier a donné son cœur à la jeune esclave. Jalouse, Amneris va comploter contre Radamès et le poussera à commettre une faute grave envers sa patrie. Accusé par la suite de trahison envers l’Égypte, il sera condamné à être enterré vivant dans un tombeau. Aïda s’introduit alors dans la crypte pour mourir avec lui.

Production d’envergure

L’une des difficultés dans le montage d’un opéra de cette envergure est de lutter contre le statique des personnages principaux qui se retrouvent bien souvent coincés entre la foule des chœurs et les figurants, très nombreux sur la scène. On pouvait faire confiance de ce côté-là à François Racine, en charge de la mise en scène, qui a su gérer l’espace sans surcharger l’œil du public.  Les décors de Claude Girard et Bernard Uzan, grandioses sans être trop imposants, ont également fonctionné deux décennies après leur première apparition sur la scène montréalaise.  Les intermèdes dansants, dirigés par Noémie-Émilie Desbiens, ont ajouté une petite touche moderne très appréciable à cette super production classique qui peut parfois tomber dans un déjà-vu lassant.

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Crédit photo : Yves Renaud.

Les voix principales ont été confiées à des chanteurs pour la plupart étrangers, mais c’est sans compter les difficultés liées au répertoire qui exige des voix puissantes et de longue haleine que l’on a parfois du mal à trouver sur le territoire. Aïda était interprétée par la soprano russe Anna Markarova, grande habituée du théâtre Mariinsky, elle qui a intégré la compagnie en 2010. Radamès était confié au ténor bulgare Kamen Chanev tandis que la mezzo russe Olesya Petrova chantait le rôle d’Amneris. Pour les autres rôles, le canadien Gregory Dahl pour Amonasro, le roi d’Éthiopie et père d’Aïda ; Phillip Ens, canadien également, interprétait Ramphis ; et le biélorusse Anatoli Sivko dans le rôle du roi d’Égypte.

Photo par Yves Renaud

Photo par Yves Renaud

Lancé difficile

Le premier acte est d’abord resté en demi-teinte, avec des chanteurs peinant à projeter dans la salle et tâtonnant à la recherche de cohérence, malgré un public chaleureux dans les applaudissements. Trop statiques dans leurs interprétations, l’action avait quelques difficultés à avancer de manière fluide. Seule Olesya Petrova parvenait à trouver ses marques, sublime dans son rôle de promise jalouse et impériale. Bien que la partition orchestrale de Verdi soit fournie, on pouvait sentir un léger manque de cohésion entre les chanteurs et l’orchestre, qui passait facilement sur les voix, sans être trop puissant cependant. Quelques décalages étaient à noter également et deux des trois principaux chanteurs ne brillaient pas comme ils auraient dû le faire avec leurs talents respectifs. Bien heureusement, les chœurs et le spectacle nous faisaient passer par-dessus ces petits problèmes de balance.

C’est à partir du 2ème acte que les subtilités de chacun sont apparues, Anna Markarova nous offrant un sublime déchirement entre son père et son amant, et Kamen Chanev exposant enfin sa puissance. Olesya Petrova, encore une fois, montra toute l’étendue de sa prestance vocale dramatique dans le 3ème acte lors de sa lamentation. Mention spéciale à Gregory Dahl qui a su captiver l’attention de tous dès ses premières notes grâce à une voix autoritaire, précise, mais tout de même profonde et touchante. De même, on saluera la performance de Phillip Ens, impressionnant dans son rôle de prêtre égyptien.

Il aura donc fallu deux temps à l’Aïda de hier soir pour sortir de l’ombre et d’un classicisme trop marqué dans le début. Mais c’est finalement une belle surprise que cette méga production qui ouvre la nouvelle saison de l’Opéra de Montréal et qui devrait achever de convaincre les derniers réticents à s’abonner pour la saison.

Seront présentés un peu plus tardivement Don Giovanni de Mozart, production 100% canadienne en novembre, Le dialogue des Carmélites de Poulenc  en janvier et février 2017, et La Bohème de Puccini en mai 2017. De plus, en mars, Another Brick in the Wall sera donné en version opéra.

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