Philadelphia High School

Philadelphia High School au Théâtre Denise-Pelletier | Fanfiction pour fans finis

« En écrivant cette pièce, j’essaie de comprendre ce qui pousse l’humain à toujours vouloir être quelqu’un d’autre, à vouloir la vie de l’autre, à vivre constamment par procuration, surtout lorsqu’on est adolescent et qu’on est à la recherche de modèles. » C’est Jonathan Caron qui parle ainsi de sa première pièce écrite en solo et qu’il met en scène à Fred-Barry comme on manipulerait de la dynamite.

Originaire de Québec, mais diplômé de Lionel-Groulx en interprétation en 2012, Jonathan Caron va même jusqu’à paraphraser le directeur du Théâtre Denise-Pelletier, Claude Poissant, en résumant sa pièce par une « fanatique et héroïque fable sur l’adolescence », ajoutant à propos des dix comédiens qui la défendent sur la scène de Fred-Barry l’évocation de « leur soif de se jeter dans le vide ».

Aucun de ces dix comédiens n’est connu, ce qui n’empêche pas leur élan commun de soulever le public, tant la mise en scène est électrisante et bien répartie en temps de jeu pour chacun. Les dix sont d’ailleurs presque tout du long présents en scène, sans que jamais cela ne paraisse trop ou ne tourne à la cacophonie. Au contraire, ces dix acteurs dégagent ensemble une énergie, jeune et fougueuse, belle à voir et à recevoir.

Philadelphia High School 3 par Olivier Courtois

* Photo par Olivier Courtois

L’action se déroule dans un sous-sol qui n’en a pas l’air en banlieue de Québec, alors que dix fervents amateurs de la populaire série télévisée américaine Philadelphia High School, décident de créer une fanfiction pour compenser la disparition à l’écran de leur émission culte, après cinq saisons d’intrigues bigarrées les ayant tenus en haleine.

Voilà que le personnage principal, Dereck, joué avec une forte présence par Simon Landry-Désy, meurt tragiquement aux mains de son meilleur ami, ce qui consterne le groupe, et le met en colère au point de concocter sur YouTube une vidéo dénonciatrice qui connaîtra un succès instantané. Mais, comment départager fiction et réalité quand les protagonistes sont autant influençables et devenus ouvertement accrocs et fanatiques d’une histoire pourtant inventée?

 

La parole aux ados

Le texte de Jonathan Caron, essentiellement une réflexion sur l’adoration immodérée envers ses idoles, surtout durant la phase de l’adolescence, vient d’être publié à Montréal chez Dramaturges Éditeurs en conservant sa forme orale, urbaine et métissée de mots et d’expressions en anglais qui passent moins bien à l’écrit que sur une scène.

Cette version 2.0 donne des répliques comme : « Fuck le personnage! C’pas une excuse. C’est crissement mean, ce que t’as faite. Pis crissement hypocrite. Tu touches pas à ma blonde. OK? Personnage ou pas. » Ou encore : « Quoi? Après c’qu’a faite, a mérite pas mieux que ça! Ché même pas pourquoi est encore dans l’émission, elle! »

Philadelphia High School 2 par Olivier Courtois

* Photo par Olivier Courtois

En 2016, Jonathan Caron a cosigné Starshit qui s’est mérité le Prix auteur dramatique, remis à chaque année selon le vote des spectateurs au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Une excellente passerelle vers une collaboration à la dramaturgie de la récente Foirée Montréalaise à La Licorne, et l’adaptation de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare, mise en scène par Frédéric Bélanger avec les finissants de l’École supérieure de théâtre. L’artiste, prometteur, fera également partie d’une nouvelle série jeunesse, Silex, diffusée bientôt à ICI Radio-Canada Télé.

Les enjeux contemporains dans lesquels les ados d’aujourd’hui se forgent une assise identitaire et une personnalité propre en devenir, tous et toutes soudés à leur inséparable téléphone intelligent, comme jadis la main sur l’Évangile, sont au cœur de la pièce Philadelphia High School. Une vingtaine d’artistes se sont impliqués dans ce projet. Parmi eux, le décor sous-utilisé mais réussi de Noémi Paquette, les éclairages efficaces de Cédric Delorme-Bouchard, et le mouvement, si indispensable à dix, conçu par Myriam DeBonville.

La pièce, aussi haletante et excessive que touchante, parlant la langue télescopée des jeunes du here and now, est coproduite par deux compagnies dont les noms sont tout à fait à leur image : L’Escadron Création, et Rouge arrête Vert passe.

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