Programme double au OFFTA 2017 | Laisser la chance au coureur

Manifestation artistique annuelle élaborée en marge du Festival TransAmériques, le OFFTA est voué à la jeune création en arts vivants qui favorise les démarches originales, fortes et singulières. C’est le cas pour le programme double présenté hier à La Licorne, avec Vodka Croissant d’Ève Pressault et Le Bonheur de François Bernier, deux propositions qui en sont encore à l’étape d’exploration d’un travail en cours de création.

Avec moins de 20 minutes de spectacle à ce stade-ci, il n’est pas possible de bien jauger la valeur artistique de Vodka Croissant présenté en début de soirée. Résultat d’un seul mois de travail comme première étape de laboratoire, la pièce qui n’en est donc pas encore une, place dos au public une comédienne rivée à une tablette à l’extrémité d’une grande table en bois.

À l’autre extrémité, s’amène un deuxième comédien faisant la cuisine en robe de chambre. Il faudra attendre pour connaître la profondeur de la relation entre les deux personnages, autrement qu’avec une réplique comme « Tous les matins, j’ai la gueule de bois de toi. », ou encore « Je cherche le sommeil et ne trouve que toi ».

Crédit photo : Chloé Poirier-Sauvé

Crédit photo : Chloé Poirier-Sauvé

D’autre part, le travail sur Le Bonheur est beaucoup plus avancé. François Bernier, qui de toujours privilégie une forme ou l’autre de théâtre interactif, choisit cette fois encore une formule éclatée pour arriver à ses fins : une réflexion sur le suicide.

Venus de tous bords tous côtés, s’apostrophent cinq jeunes comédiens autour de la même grande table. Ils discutent en imposant leur point de vue avec conviction sur le yoga, les Olympiques, la fierté, la sagesse, la culpabilité, la solitude, l’amour, le mal-être social, et accessoirement le suicide chez les jeunes.

Le problème, du point de vue dramaturgique autant que social, vient justement de cette juxtaposition entre le témoignage sur vidéo d’une femme dont le fils s’est enlevé la vie, et des numéros d’acteurs qui font tout pour inclure le public en le faisant participer à des jeux d’expressivité, comme le ferait un animateur de foule dans un studio de télévision.

Ils s’amusent et nous amusent, tout en se voulant porteurs d’une terrible réalité : il se produit trois suicides par jour au Québec, et 14% de la population consomment des antidépresseurs. Comment ironiser sur un pareil sujet? Il se détache de la pièce des répliques bien senties, comme « Le plaisir, ça se ramasse. La joie, ça se cueille. Le bonheur, ça se cultive. », mais ce n’est pas suffisant.

Sans compter des phrases creuses comme « Un arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse. », ou encore que « regarder quelqu’un dormir est un comportement de psychopathe », en alternance avec des sujets aussi simplistes que de faire cuire des biscuits.

Croyant par-dessus tout à la force du rassemblement humain, François Bernier a fondé avec Hubert Lemire et Francesca Barcenas le Théâtre du Bunker qui tourne depuis cinq ans son docu-théâtre interactif NoShow, dont la 100e représentation sera donnée cet été à Avignon.

Le OFFTA, pour une 11e édition, se donne pour mission de soutenir la création locale émergente. Il faut donc laisser la chance au coureur, surtout quand il s’agit comme ici d’un artiste de la relève. Ce festival marginal qui se termine le 8 juin, aura apporté à un public curieux et indulgent dix jours de théâtre, de danse, de performances et de spectacles de facture hybride, repoussant sans cesse les limites des arts vivants.

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