Orchestre Symphonique de Montréal

Quatuors romantiques à l’OSM | Manque de communication

Brahms puis Dvorak, ce programme romantique laissait présager d’une soirée douce et mélancolique en compagnie des musiciens de l’Orchestre Symphonique de Montréal. Ces Quatuors Romantiques nous ont pourtant laissé sur notre faim.

« Douze cordes et un pianiste », c’est peut-être comme ça que ce concert aurait du s’intituler. Si le programme difficile de la soirée faisait attendre de belles prouesses musicales, le manque d’entente entre le pianiste d’un côté et les trois cordistes de l’autre a quelque peu assombri les deux morceaux.

Le concert s’est lancé sur le quatuor n°3 avec piano en do mineur, Werther (op. 60) composé par Johannes Brahms. Célèbre pour son troisième mouvement andante – le mouvement lent étant habituellement le second – ce quatuor fait appel à des registres suraigus pour le violon que Marianne Dugal a su présenter avec une justesse et une brillance incroyables. Les réponses de l’altiste Sofia Gentile ont été d’une rare délicatesse et la violoncelliste Anna Burden a apporté une présence et un soutien sans failles. Parfois mis en difficulté dans ses registres les plus graves, le violon finissait toujours par ressurgir dans les mouvements tantôt oniriques, tantôt profondément douloureux du concerto.

Manque de cohérence

Si la performance du pianiste Philippe Chiu n’est pas réellement en cause (malgré quelques fausses notes retentissantes), c’est surtout sa forte capacité à l’emballement musical que l’on retiendra dans cette interprétation. En effet, si les tutti mettaient en valeur ses pianissimo délicats, les différentes prises de parole du musicien brillaient par leur manque d’écoute du trio de cordes. Souvent trop fort ou dans des tempos un peu trop élevés, le pianiste a eu tendance à s’imposer comme instrumentiste soliste plutôt que comme participant de ce quatuor. Tant et si bien que l’entrée très vive du quatrième mouvement, l’allegro commodo, n’a pas pu être suivie par Marianne Dugal qui a peiné à se mettre en place du fait d’un tempo un peu trop enjoué. Le morceau exposant de nombreux changements de rythme et d’atmosphère, il était crucial pour les musiciens de bien s’entendre sur toutes les entrées et toutes les nuances. On regrettera donc un léger manque de cohérence dans ce quatuor parfois transformé en Trio et piano.

Le second morceau a malheureusement souffert des mêmes écueils. Il s’agissait du Quatuor n°2 avec piano en mi bémol majeur (op. 87) d’Antonin Dvorak. La performance d’Anna Burden était définitivement à retenir, tant le lamento de son violoncelle reflétait bien l’esthétique du compositeur. Encore une fois, les entrées du pianiste nous ont malheureusement fait sortir de l’atmosphère délicatement douloureuse du mouvement lent, Philippe Chiu étant moins enclin au rubato romantique que ses collègues. Et pourtant, il a su faire preuve, tout au long du concert, d’une douceur impressionnante à chaque moment où les quatre musiciens jouaient ensemble.

À tel point qu’on a fini par se demander si ça n’était pas simplement un « souci de piano », celui-ci ayant été ouvert en entier pour une salle à la résonance importante. Mais les quelques regards mi-amusés mi-exaspérés de la violoncelliste couplés aux difficultés qu’ont éprouvé les trois cordistes dans le dernier mouvement du fait de la vitesse de celui-ci – elles se sont très bien rattrapées cependant – nous ont encore une fois plutôt convaincu d’un manque de communication dans l’équipe.

Le concert s’est achevé sur un rappel très apprécié, surtout inattendu , avec le mouvement lent du quatuor avec piano (op. 47) de Schumann. Un morceau de choix pour l’altiste Sofia Gentile qui a montré toute la chaleur dont son instrument était capable. Les sonorités du piano, douces à souhait, nous ont fait oublier momentanément ses prises de chant tonitruantes dans les morceaux précédents.

Un bilan de concert en demi-teinte, donc, tant on a été emballé par les prouesses musicales et la couleur des tuttis du quatuor, et déçu par les entrées un peu trop fracassantes du pianiste à certains moments.

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