Pro Musica - Série Pierre-Rolland

Queyras et Melnikov à la Place des Arts | Des notes pour apaiser les maux

Magnifique récital lundi soir au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, qui accueillait Jean-Guihen Queyras et Alexander Melkinov pour leur dernier concert de leur tournée nord-américaine. Les deux musiciens ont transporté leur public avec un programme autour de Beethoven, Debussy et Chopin.

C’est tout d’abord avec deux sonates de Beethoven (la n°2 op.5 puis la n°3 op.69) que Queyras et Melnikov ont ouvert le récital, long de plus de deux heures. Si le début de la sonate n°2 op.5 a pu paraître hésitant, les deux artistes tâtant l’acoustique et cherchant l’équilibre parfait, le tir a rapidement été rétabli pour ces deux solistes qui ont l’habitude de jouer ensemble. Une chose est certaine : le choix interprétatif était loin d’être « classique » mais comment ne pas être d’accord avec eux lorsque la musique les habite à ce point-là ?

Melnikov, avec un jeu à la limite du maniéré, arrive à trouver un son qui joue dans la micronuance, à la limite de l’audible mais qui permet justement au public de rester concentré et actif pendant tout le concert. Queyras, tout en finesse et précision, sans jamais user d’un gros son qui nuirait à l’authenticité de la musique, se glisse dans les couleurs incroyables proposées par son pianiste.

Leur conception des oeuvres est très intellectuelle et il y a quelque chose dans leur interprétation qui se fait au-delà du son : probablement le fait que tout est pensé avec cohésion malgré certains partis pris qui peuvent parfois surprendre (des largeurs dans certains tempi chez Beethoven, une idée d’improvisation extrême chez Debussy). Ces deux personnalités différentes arrivent à se mélanger pour donner un tout extrêmement coloré et vivant. Les prises de risques ne sont jamais faites sans un travail de réflexion minutieux en amont de la performance.

La sonate de Debussy fut pensée avec beaucoup de liberté et comme une improvisation sur le fil. Certains diront que ce n’est pas comme ça que l’on doit la jouer, d’autres oui. Le plus important cependant étant la facilité avec laquelle Queyras arrive à jouer cette oeuvre comme s’il l’improvisait sur le moment, comme si les notes jaillissaient de sa pensée et de son violoncelle avec un aspect très ludique et animé. Certains sons qu’il réussit à transmettre furent à la limite du réel et c’est la même chose pour son partenaire pianiste.

La sonate de Chopin fut quant à elle passionnée – mais pas délirante, gracieuse – mais pas prudente, délicate – mais pas statique. Toujours ample, c’est une véritable version de maîtres que nous ont offert les deux complices. En vérité, tout le récital fut ressenti de cette manière-ci par un public tout à fait captivé même si ma préférence va aux deux sonates de Beethoven qui trouvèrent entre elles une cohésion à la fin de la troisième. C’est en effet comme si les choix interprétatifs devenaient limpides.

Lundi soir, la musique nous a encore prouvé à quel point elle pouvait être magique et guérisseuse de maux lorsqu’elle est portée par de véritables artistes qui se mettent à son service sans pour autant cesser d’exister. Le concert fut une parenthèse flottante, presque irréelle qui se conclua sur un rappel bouleversant : le mouvement lent de la sonate pour violoncelle et piano de Rachmaninov.

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