Tormentor

Rencontre avec un des vrais seigneurs du chaos : Attila

Que ce soit avec Mayhem ou Tormentor, le chanteur Attila semble lié à une destinée chaotique mais certainement mythique, ayant participé à plusieurs chapitres cultes de l’histoire du métal extrême, toujours entouré de sombres et mystérieux évènements. De l’assassinat d’Euronymous à la disparition des bandes de l’album de Tormentor, entretien avec un artiste à l’aura étrange…

C’est dans la loge du Théâtre Paradoxe que nous rencontrons le chanteur Hongrois lors du passage de Tormentor à la dernière Messe des Morts pour le trentième anniversaire de Anno Domini, un album avant-gardiste qui a failli ne jamais sortir et dont l’enregistrement final n’a jamais été retrouvé à ce jour…

Chapitre I : Tormentor – Anno Domini

Hongrie, 1987. Le groupe Tormentor fait de plus en plus parler de lui, détesté par les médias mais adulé des jeunesses hardcore, punk et metal. Ils rentrent en studio pour enregistrer leur premier album. « C’était un gros studio, pour des gamins comme nous c’était fou. Mais les techniciens se demandaient ce qu’on foutait, ils n’avaient jamais entendu ce genre de musique! ».

Après des mois de répétitions intenses, les jeunes musiciens délivrent ce qui allait devenir une influence dans le monde du métal extrême. Mais le Communisme disparaît, et le master de l’album avec. « On a envoyé les bandes pour le master final. On attendait, c’était reporté, encore reporté, puis le gars a juste disparu. Ça nous a beaucoup affectés, on était jeunes, on ne savait pas quoi faire. » C’est grâce à une caméra VHS qu’une version de l’enregistrement a pu être sauvée. Mais à ce jour, le master principal demeure disparu.

Tormentor à la Messe des Morts 2018

« On a été super chanceux, le père de Attila Tsigeti (guitare), par son travail, avait pu nous avoir cette caméra très chère à l’époque, avec laquelle on a pu enregistrer ce qu’on avait. » Cependant, même la cassette VHS a été perdue pendant un certain temps. « Nous avions seulement une cassette audio. » Une première version sortira finalement en 95 grâce à Samoth de Emperor. Puis la cassette VHS est retrouvée, et un nouveau master sera fait pour la version disponible aujourd’hui.

Chapitre II : Mayhem – De Mysteriis Dom Sathanas

Norvège 1991. La cassette de Tormentor s’échange dans les milieux black metal, et arrive jusqu’à Oslo entre les mains du guitariste de Mayhem, Euronymous (Øystein Aarseth), alors à la recherche d’un chanteur après le suicide du premier vocaliste Dead. Il décide d’envoyer une lettre à Attila.

« En fait je n’avais aucune idée de qui il était quand il m’a écrit, je ne connaissais même pas Mayhem. Il y avait seulement des petits fanzines à l’époque. La moitié de la lettre était à propos de Tormentor, à quel point il était fan absolu du groupe et voulait le sortir sur son label. La deuxième partie de la lettre était pour me proposer de chanter dans Mayhem. »

C’est ainsi qu’il enregistre en 93. « Tout s’était bien passé pendant l’enregistrement, je m’entendais bien avec Varg et Euronymous, tout était cool. Mais quand je suis revenu en Hongrie, je n’arrivais plus à les joindre, ils répondaient plus au téléphone. Je pensais que c’était l’été, que tout le monde était en vacances peut être ? Un de mes amis m’a dit de regarder dans le magazine hongrois de heavy metal, un gars de Mayhem était mort. Je lui ai dit que c’était le premier chanteur Dead et que c’était un suicide il y a plusieurs années. Et puis quand j’ai vu que c’était Euronymous qui avait été assassiné, je me suis demandé si j’étais vraiment maudit. Si proche de sortir un album, à chaque fois quelque chose arrive. Et là, des gens qui s’entretue et tout…»

Tormentor à la Messe des Morts 2018

Deux albums qui n’ont failli jamais voir le jour, et qui sont finalement sortis et devenus des monuments de la musique extrême.

Attila : une aura mystique et diabolique ?

« Je dois dire que c’est étrange. En fait c’est même arrivé avec un troisième groupe, en Hongrie début 90s j’avais un projet qui s’appelait Plasma Pool. On avait enregistré, mais un des guitaristes avait des problèmes avec la mafia, alors un jour ils ont débarqué et ils ont pris tout le matériel et les enregistrements ! » Un chaos familier avec les projets de Attila, comme en témoigne l’atmosphère des concerts de Tormentor au début des années 80.

« Il n’y avait pas de sécurité dans les shows. Dans nos concerts, il y avait aussi des punks, des skins, la scène hardcore et la scène métal. C’était fou. J’ai déjà vu des gens brûler des disques pendants nos concerts, ça puait le PVC cramé dans la salle je suffoquais ! »

Ou quand le public n’avait pas peur d’exprimer son opinion… « Un jour il y avait ce groupe de hard-rock hongrois qui jouait avant nous. J’étais assis dans le backstage et je les vois revenir, la gueule en sang : le public leur avait pété la gueule ! Là, j’ai commencé à avoir peur de monter sur scène. Et puis j’ai entendu dans la salle les gens qui tapaient du pied et scandaient « Tormentor ! Tormentor ! » Et tout s’est bien passé pour nous ! Et même si on avait mauvaise réputation pour le chaos qu’on amenait, les clubs nous bookaient quand même parce qu’on ramenait beaucoup de monde, et de jeunes. Les magazines nous détestaient, disaient qu’on était fous, sataniques. Chaque article nous dénigrait, on était même plus surpris à la fin. Mais les gens venaient à nos concerts. » Une époque lointaine et différente…

Tormentor vient d’annoncer la sortie d’une édition trentième anniversaire intitulée Anno Daemoni, incluant un DVD et un enregistrement audio de leur concert de reformation à Budapest l’année dernière. Un spectacle mémorable: « Je pense que presque la moitié des gens dans la salle avait voyagé d’autres pays pour voir le concert! C’était fou l’atmosphère ce soir là.  »

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