Rumble : The Indians Who Rocked The World | Et si les racines du rock étaient amérindiennes ?

Si l’apport afro-américain dans la recette du rock’n’roll d’Elvis ne fait plus aucun doute, un ingrédient demeurait à ce jour toujours sous-estimé dans l’histoire de la musique américaine. Le documentaire « Rumble : The Indians Who Rocked The World », de Catherine Bainbridge, démontre avec panache à quel point les traditions amérindiennes furent un élément clé, trop longtemps gommé du grand livre de l’histoire du rock et de la musique populaire des États-Unis. Le film prend l’affiche du Cinéma du Parc aujourd’hui, 8 septembre.

Comme son titre l’indique, le documentaire débute par l’exploration des racines Shawnee de Link Wray, considéré comme l’une des toutes premières rock star, qui a secoué le monde entier avec son succès Rumble à la fin des années 1950. Qui n’a jamais entendu cette valse instrumentale électrisante et tonitruante, bannie de plusieurs radios américaines parce qu’on y voyait un « hymne à la délinquance juvénile », ce qui est tout de même impressionnant pour une pièce sans paroles.

Par le biais de témoignages de divers artistes majeurs (d’Iggy Pop à Taj Mahal, en passant par Slash ou encore Tony Bennett), Rumble : The Indians Who Rocked The World retrace ni plus ni moins l’histoire du rock, du blues et de la musique américaine en général, en y incluant des personnages clé dont les racines indiennes ont longtemps été camouflées. Comme Mildred Bailey, qui fait partie des premières figures marquantes du jazz vocal, et qui devait taire ses origines autochtones.

Qualifié de « pré-blues » (et du « père du Delta blues »), Charley Patton usait d’harmonies vocales imbibées de ses origines choctaw, et battait la mesure sur sa guitare puisque les tambours étaient interdits dans les réserves.

Voilà le genre de détail qui nous permet, grâce à Rumble, d’interroger l’histoire et d’écouter la musique des pionniers sous un nouvel angle. Comme le souligne l’un des intervenants du film, le concept même qu’un Indien serait le père du blues vient en quelque sorte « contrecarrer l’idée qu’on se fait du Rêve américain. » Fascinante observation.

Peut-on parler ici d’appropriation culturelle ?  Au fond, oui, bien sur. Mais le film de Bainbridge ne le traite pas ainsi. Contrairement à son film de 2009, Reel Injun, qui était un documentaire critiquant les stéréotypes amérindiens dans les films hollywoodiens, Catherine Bainbridge prend plutôt ici une approche de célébration des talents méconnus amérindiens. Elle (et surtout ses intervenants) glorifient leur apport plutôt que de pointer du doigt les méchants Blancs qui se l’ont approprié.

D’autant plus que le film démontre l’apport des musiciens amérindiens dans diverses sphères, du rock mordant (Link Wray) au jazz vocal (Mildred Bailey), en passant par l’apport folk de Buffy Sainte-Marie, l’album maudit de Johnny Cash (Bitter Tears: Ballads of the American Indian, que Cash insistait pour sortir en 1964, alors que le label ne voulait pas), le batteur primal d’Ozzy Osbourne, Randy Castillo, et le guitar hero Jesse Ed Davis. On sort quand même beaucoup des idées préconçues de la musique amérindienne, sans pour autant éviter de parler des Ghost Dance, du Mardi gras authentique dans les faubourgs de La Nouvelle-Orléans.

En sortant du visionnement, on se surprend à vouloir découvrir certains de ces talents, ou à réécouter les disques de Jimi Hendrix en gardant en tête tout l’héritage de son métissage, qui en faisait un être si singulier.

Rumble : The Indians Who Rocked The World en vaut le coup, ne serait-ce que pour corriger le révisionnisme historique désolant qui subsiste toujours autour de la sacro-sainte musique populaire américaine et ses figures de proue.

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