Les Fourberies de Scapin

Saison 17-18 du TNM | La 25e de Lorraine Pintal

Ionesco, Dostoïevski, Molière, Gabrielle Roy, Arthur Miller, Michel Tremblay et Yves Montand sont les sept auteurs à retenir de l’annonce lundi soir de la programmation de la prochaine saison du Théâtre du Nouveau Monde, qui sera la 25e de sa directrice artistique Lorraine Pintal, comme un gage de succès en soi.

Pas moins de 21 comédiens et musiciens ouvriront le bal d’automne avec Demain matin, Montréal m’attend, la mythique comédie musicale de Michel Tremblay et de François Dompierre sous la direction cette fois de René Richard Cyr qui en remet aux partys illicites sur la Main des années 60.

Le metteur en scène, qui fait un tabac en ce moment avec son Caligula, n’a pas lésiné sur sa distribution, allant chercher de fortes pointures, comme Hélène Bourgeois-Leclerc en Lola Lee, Kathleen Fortin et Benoît McGinnis, du sang neuf, comme Guillaume Borys ou Gabriel Lemire, osant même entraîner dans l’aventure Laurent Paquin en Duchesse de Langeais.

« Quand René Richard m’a appelé, confie Laurent Paquin, j’ai commencé par être sceptique, mais je ne suis pas du genre à reculer devant un défi. Il n’était pas question que je dise non, même si j’ai des appréhensions. Et je prends ça à cœur, je me suis ajouté des cours de chant par un coach pour sonner le plus vrai possible. Les lamentations de la Duchesse sont la seule composition plus lyrique dans la pièce. Alors que le reste est pop, yéyé ou rock, du côté de la Duchesse, c’est presque de l’opéra. »

 

Yves Montand vu par Lambert Wilson

En octobre 2017, le comédien français Lambert Wilson viendra chanter Yves Montand en une trentaine de titres, 25 ans après la disparition du chanteur à bicyclette. Wilson, dont on ne connaît pas ici la voix chantée, sera entouré pour ses 11 représentations de six musiciens sur cette scène qui ne manquera pas de rappeler la Comédie-Canadienne de jadis.

Crédit :  Jean-François Gratton

Crédit : Jean-François Gratton

Suivra le retour d’un grand, l’auteur américain Arthur Miller, avec une toute nouvelle traduction par Maryse Warda de Vu du pont. La patronne des lieux, Lorraine Pintal, retrouvera donc Miller une vingtaine d’années après sa mise en scène de Les Sorcières De Salem. François Papineau sera le débardeur révolté Eddie Carbone, immigrant italien entouré entre autres par Maude Guérin (sa femme Béatrice), Mylène St-Sauveur (leur fille adoptive Catherine), Paul Doucet et Maxime Le Flaguais.

« Ce sont deux pièces qui font partie des tragédies modernes à caractère épique d’Arthur Miller, explique Lorraine Pintal, avec des personnages forts, plus grands que nature, interprétés par une distribution toutes étoiles. J’avais envie de redonner un souffle tragique au texte de Miller, considéré à tort comme un auteur réaliste. Arthur Miller mêle l’intime au collectif, le politique à l’individuel, ce qui donne du coffre à une œuvre qui le mérite. »

La scénographe Danièle Lévesque, dont le tandem avec Pintal aura donné de pures merveilles au cours des ans, parle d’une « rencontre entre le sacré et ses contrastes. On veut utiliser le noir et le blanc, la perspective extrême avec l’accentuation des lumières de Martin Sirois, et la réflexion du pont de Brooklyn dans les fenêtres. Comme s’il n’y avait pas de décor, mais plutôt un espace habité », résume-t-elle.

Crédit :  Jean-François Gratton

Crédit : Jean-François Gratton

En janvier 2018, le metteur en scène Carl Béchard ramènera en ces murs la truculence du verbe de Molière avec Les Fourberies de Scapin, une farce échevelée où c’est le valet, le rusé Scapin, qui en mène large dans la maisonnée. André Robitaille sera ce Scapin dont la finesse et le bagou en feront voir de toutes les couleurs au maître Géronte qu’incarnera Benoît Brière. Patrice Coquereau est du nombre. Rires et folie assurés.

Seule en scène à la fin février, la talentueuse Marie-Thérèse Fortin propose avec le metteur en scène Olivier Kemeid une non-adaptation de La détresse et l’enchantement de Gabrielle Roy. On parle plutôt de « montage théâtral » à partir de l’autobiographie de cette auteure phare, parue en 1984, soit un an après sa mort. Une pièce donc davantage vécue sur scène que jouée, et qui se déclinera au « je » pour ses 10 représentations en coproduction avec le Théâtre du Trident de Québec.

 

Dostoïevski comme jamais !

Heureux choix aussi, Dostoïevski et son roman culte L’idiot que l’auteur Étienne Lepage aménagera pour la scène en faisant son entrée au TNM, comme on dirait à la Comédie-Française, de même que la jeune metteure en scène Catherine Vidal. « On scrape Dostoïevski! », a laissé échapper Étienne Lepage en guise de présentation.

Une nouvelle génération d’acteurs fera donc ses débuts, entourée de comédiens accomplis comme Renaud Lacelle-Bourdon, Évelyne Brochu, Francis Ducharme, Paul Ahmarani, Denis Bernard, Macha Limonchik et Paul Savoie. Dans ce texte à tiroirs gravitant autour du retour en Russie du prince Mychkine, le grand Dostoïevski nous fera passer par toutes les gammes de la passion et de l’absolu, de même que de leur danger.

Enfin, pour clore la saison en beauté, quoi de plus prometteur qu’une des pièces les plus connues d’Eugène Ionesco, Les chaises, avec un duo d’acteurs virtuoses, Monique Miller et Gilles Renaud, sous la direction d’un fervent disciple, Frédéric Dubois, du maître d’origine roumaine de l’absurde. Comme c’est le cas pour Oh les beaux jours de Beckett, Les chaises est une pièce qui les contient toutes.

Photo par Yves Renaud.

Gilles Renaud, Monique Miller et Frédéric Dubois. Photo par Yves Renaud.

« C’est vrai, il y a tout, admet Monique Miller. C’est quelque chose, un monument! On travaille déjà, il y a du gros travail à faire sur ce texte-là qui est loin du passe-moi le beurre. Je n’ai pas vu la production du Rideau Vert avec Hélène Loiselle et Gérard Poirier, mais j’ai vu Hélène Loiselle, qui l’a jouée deux fois, avec ensuite Benoît Girard au Quat’Sous. Ça fait un an que je le sais, et c’est bien excitant! », dit une Monique Miller qui aura près de 85 ans à ce moment-là, mais dont la fougue et la superbe ne se démentent pas.

Saison chargée donc, et pleine de promesses, alors que le TNM franchit une à une les étapes de financement pour finir par concrétiser son projet d’agrandissement des bureaux administratifs et de l’ajout d’une deuxième salle. « Nous voulons ouvrir cette salle à de jeunes compagnies, avec des spectacles plus expérimentaux, et inaugurer aussi un lieu dédié à la médiation culturelle, à l’art éducatif et à l’art thérapeutique. Ce genre de projet est long à attacher, mais nous y croyons, et c’est vraiment notre tour! », conclue avec son enthousiasme habituel Lorraine Pintal.

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