Séduire Paris | Une semaine au MaMA 2017 avec Paupière et Safia Nolin

C’est presque un passage obligé pour tout artiste québécois francophone : tôt ou tard, l’idée de tenter sa chance en France, et particulièrement à Paris, fait son chemin en vue d’étendre sa carrière dans la vaste francophonie européenne. Mais de quels appuis les artistes québécois disposent-ils pour réussir ce tour de force ?  Sors-tu.ca s’est rendu au MaMA, un festival parisien très axé sur les acteurs de l’industrie musicale, afin de suivre les tentatives de percées de Safia Nolin et Paupière.

Visionnez nos 2 épisodes de Plaque tournante en direct de Paris :

Ma Cabane à Paname

La semaine débute avec un événement de réseautage nommé Ma Cabane à Paname, un déjeuner-causerie co-organisé par M pour Montréal, le Festival d’été de Québec, le FME, les FrancoFolies de Montréal, Osheaga et le Festival MEG Montréal. À tout juste 11h30, c’est ni plus ni moins le premier événement du MaMA, qui lance les festivités en grand au Bar à Bulles de la Machine du Moulin Rouge, avec huîtres, rafraîchissements et beaucoup de beau monde.

En entrevue à Plaque tournante, Laurent Saulnier, des FrancoFolies de Montréal, nous explique la formule.  « Au début, c’était au Printemps de Bourges, et on faisait des showcases, mais on s’est aperçu que ce n’était pas une bonne idée dans un cadre comme celui-là. Parce que les gens sont là d’abord et avant tout pour parler, pour se rencontrer. Et que s’ils voulaient voir les artistes, de toute façon ceux-ci jouent ailleurs dans le festival. »

Sandy Boutin, fondateur du FME, a eu l’idée de rassembler les forces lors d’un événement où les acteurs du milieu québécois proposent aux délégués des autres pays un « déjeuner-rencontre ». Laurent Saulnier nous explique que « souvent, les Québécois se retrouvaient dans des festivals, des événements comme ça, et on servait beaucoup de facilitateurs, Sandy et moi. Plutôt que de faire ça séparément, on a trouvé une façon pour que tout le monde soit ensemble le plus longtemps possible, pour pouvoir faire toutes ces rencontres-là et mieux jouer notre rôle de facilitateur. »

Évidemment, on y boit, on y mange, on fait la fête, mais surtout, on discute de choses et d’autres, notamment d’artistes québécois. Plus particulièrement ceux qui ont traversé l’Atlantique pour l’occasion, et qui se produiront plus tard dans le cadre du MaMA : Safia Nolin et Paupière, bien sûr, mais aussi Jean-Michel Blais, Laura Sauvage, Geoffroy, Ragers, RYAN Playground et Robert Robert. Une belle variété pour démontrer que le Québec excelle dans divers champs.

Photo par Ben Pi.

Safia Nolin, la France… et Julien Clerc

Pour Safia Nolin, la France n’a peut-être pas autant de secrets que pour d’autres. Sa première tournée en France est survenue en 2015, à peine deux mois après la parution de son premier album Limoilou au Québec (alors que l’album vient à peine de sortir en France, deux ans plus tard).  Son attachée de presse en France, Mélissa Phulpin, l’avait d’ailleurs découverte aux Bars en Trans en 2015, et s’affaire désormais à multiplier les occasions de faire rayonner Safia dans les médias français.

En spectacle à la salle Les 3 Beaudets, au lendemain d’avoir fait la première partie d’Isabelle Boulay à l’Olympia de Paris, Safia s’est présentée seule sur scène, avec sa guitare, armée de 8 chansons, dont un nouveau titre, une reprise de Ma préférence de Julien Clerc, ainsi que sa chanson Igloo, captée ici par l’équipe de LiveToune.

« J’adore faire des premières parties, nous confie-t-elle. Mais c’est sur que faire la première partie d’Isabelle Boulay, c’était un défi parce qu’on n’a pas full la même crowd. (Rires)  Alors j’ai fait une chanson de Julien Clerc, parce que j’ai fait une équation dans ma tête. Je pense que je suis peut-être venu les séduire avec le fait que moi aussi j’aime Julien Clerc. En même temps, c’est ça qui est tough : dans une grande salle comme ça, tu ne peux pas vraiment sentir le pouls du public. »

À la sortie des 3 Beaudets, nous on s’en est occupé, de prendre le pouls du public ! Le constat est assez éloquent : Safia fait bon effet.

Être présent

Évidemment, pour maintenir et nourrir un momentum outre-mer, il faut s’y investir, et surtout être présent. Littéralement. Ce qui devient plus facile quand, à l’instar de Safia Nolin, on fréquente quelqu’un qui habite la Ville Lumière !

« La chance qu’on a, c’est ce que Safia était souvent à Paris, admet son attachée de presse avec un sourire en coin. C’est vrai que ça a beaucoup aidé. Parce qu’il suffit d’avoir un premier puis un deuxième article de presse, et ça déclenche d’autres choses. Et le fait qu’elle soit encore là deux semaines, trois semaines après, ça permet de faire les émissions de radio après, dans la foulée. C’est vrai que ça a beaucoup aidé au développement. »

Safia en profite pour prodiguer un conseil : « Ça veut dire que tous les artistes québécois qui veulent percer ici devraient sortir avec quelqu’un qui habite à Paris !  (rires) T’as semi-pas-le-choix de venir ici souvent ! »

N’empêche que cette présence soutenue à Paris a notamment permis à Safia Nolin de faire une résidence de trois semaines à la très populaire émission de radio hebdomadaire Foule Sentimentale, animée par Didier Varrod sur France Inter. D’ailleurs, invités par la relationniste de Lisbon Lux (label québécois de Paupière), nous avons eu l’occasion d’assister à la dernière des trois émissions à laquelle participait Safia. D’entrée de jeu, la chanteuse québécoise a eu l’occasion d’interpréter Ma préférence, devant Julien Clerc qui se trouvait juste à ses côtés, assis sur un sofa.

Appelé à commenter la relecture, la légende française n’a eu que de bons mots à l’égard de la jeune chanteuse québécoise. « D’abord, elle chante comme je chanterais jamais : elle chante absolument droit, sans aucun vibrato, lance à la blague Julien Clerc. Mais en même temps, c’est extrêmement touchant. En plus, je pense que c’est pas évident parce que c’est véritablement une chanson de claviériste, alors les accords à la guitare, ça doit être quelque chose. »

Réécoutez l’émission (et l’interprétation de Safia Nolin) par ici.

 

Paupière fait aussi de l’oeil à la France

Le mercredi soir, au Bus Palladium, le trio Paupière se produisait pour sa part devant une foule somme toute assez fournie. Un spectacle chaud, qui a fait bon effet auprès du public.

Paupière interprète Kirchner au Bus Palladium de Paris | Plaque tournante from Sors-tu.ca on Vimeo.

Ici au Québec, c’est l’étiquette Lisbon Lux qui lançait le premier album du groupe, À jamais privé de réponses, à la mi-septembre. Mais en France, Paupière peut compter sur l’appui du très respecté label Entreprise, qui compte aussi des artistes tels que Fishbach, Grand Blanc, Bagarre et Blind Digital Citizen à son écurie.

Paupière avait aussi fait ses débuts en France il y a 2 ans, à ces mêmes Bars en Trans où Safia Nolin avait été découverte. À l’époque, Paupière n’avait qu’un EP à son actif, mais déjà, les disques Entreprise avait le groupe dans sa mire. « Un de nos artistes était revenu des FrancoFolies de Montréal en nous disant qu’il avait découvert ce trio, raconte Michel Nassif, co-fondateur d’Entreprise. Il m’avait envoyé le mp3. Et deux ans plus tard, je suis parti moi-même à Montréal, avec Grand Blanc pour les FrancoFolies et c’est là que j’ai rencontré pour la première fois Paupière. »

Nous, on a toujours eu à coeur de découvrir des artistes francophones d’en dehors de la France. Ça nous semblait assez logique de rencontrer des artistes québécois et d’aller chercher une autre manière de chanter en français aussi.

– Michel Nassif des Disques Entreprise

Si Safia Nolin peut compter sur une présence soutenue à Paris grâce à ses histoires de coeur, Paupière eux peuvent compter sur une boîte solidement implantée en France, qui les épaule dans la démarche. Le lien est d’autant plus solide que Paupière se trouve en très bonne compagnie parmi les artistes d’Entreprise. « On développe des liens d’amitié avec les groupes de notre label ici, avec qui on sent quand même une connexion, des goûts communs, et ce qu’ils font nous touchent beaucoup », explique Julia Daigle de Paupière.

Toute cette expérience n’a rien de 100% nouveau pour Pierre-Luc Bégin, qui fait également partie de We Are Wolves, mais ses deux collègues en sont toutes deux à leurs premières armes, avec Paupière, dans la merveilleux monde de la tournée musicale.

Paupière a tout de même eu l’occasion non seulement de jouer en France, mais également de partir en tournée deux fois en Italie, ce qui permet de rapprocher les liens et de prendre de l’expérience autrement qu’en tournant au Québec ou en s’enfermant dans le local de répétition. « On est partis deux fois, quatorze shows en quatorze jours…», explique Éliane Préfontaine. Pierre-Luc Bégin ajoute : « C’est comme une répét’ fois mille. Chaque concert, c’est l’équivalent de plusieurs heures de repétitions. Donc de pouvoir en enchaîner plusieurs de suite, c’est un condensé de formation. »

Également de passage à Foule sentimentale, Paupière a eu l’occasion de s’exprimer au micro… mais aussi de s’assurer que Julien Clerc puisse mettre la main sur une copie de leur album en format vinyle. Objet que le principal intéressé gardait tout près de lui plus tard en soirée !

Difficile à dire ce qu’il faudra encore comme efforts pour réellement s’établir en France, dans les cas de Paupière et de Safia Nolin, mais la base semble déjà solide dans les deux cas. Il faudra user de patience. Après tout, même Pierre Lapointe a dû s’y reprendre par deux fois avant de véritablement établir quelque chose de solide avec les Français.