Slava's Snowshow

Slava’s Snowshow au Théâtre St-Denis | Extravagance et absurdité

La caravane des saltimbanques de Slava’s Snowshow s’arrête au Théâtre St-Denis de Montréal, du 2 au 21 mai, pour nous rapeller que le rire est universel. Tissé à partir d’émotions opposées, soit le tragique et le comique, le spectacle a été présenté depuis 1993 dans une douzaine de pays, des centaines de villes, se concluant en des milliers de performances. Créé et mis en scène par l’artiste russe Slava Polounine, ce classique du théâtre promet de fusionner le drame avec la tragédie.

En arrivant, le bruit d’un train étrange nous propose d’embarquer à bord de l’absurde. D’autres effets sonores un peu troublants s’y mêlent (des chuchotements et leurs échos). Le décor est versatile : des grands panneaux de tissu amovibles évoquent la nuit et les rêves. Notre cœur se décongèle peu à peu, et les étincelles du spectacle transforment la morosité ambiante de ce froid mardi de mai. L’ambiance familiale rappelle notre étonnement enfantin, où nos yeux brillaient en apercevant les plus simples des effets spéciaux. On sourit, se souvenant de cette façon unique qu’ont les clowns de transcender le pouvoir de la parole par la gestuelle comique.

Clowns tristes : paradoxes efficaces

Slava’s Snowshow commence d’une manière étrange ; un personnage s’enroule une corde autour du cou. Funèbre… Ensuite, d’autres clowns entrent en scène et ils n’interagissent pas ensemble ; ils semblent tous être sur des trajectoires parallèles. L’effet est réussi. Durant la pièce, le contraste entre les numéros est particulièrement saisissant, explorant les pôles de la folie humaine, et jouant avec le paradoxe du clown triste. Un numéro où un acteur est transpercé de flèches démontre le désespoir mêlé de ridicule. D’autres moments sont plus légers, tel que l’amour du personnage principal pour un portemanteau, ou lorsqu’il joue avec des plumes qui virevoltent, ou encore se fait pourchasser par un autre acteur. Il improvise aussi un bateau (avec une structure de lit, un balai et un drap) sur lequel il navigue avec ses comparses!

Les costumes et maquillages sont à souligner. Les souliers démesurés et les chapeaux bizarres et un peu idiots rajoutent une dimension de plus à l’extravagance. Par ailleurs, les effets spéciaux sont utilisés abondamment. La scène est très souvent couverte d’un épais tapis de fumée, voire de brouillard à certains moments. Dans le dernier numéro, un nuage s’échappe même du chapeau d’un clown! Des confettis rappelant la neige sont propulsés par des canons, ou lancés par poignées généreuses.

Les éclairages sont vraiment bien réalisés, créant des ambiances propices soit à l’angoisse – par exemple, un éclairage rouge sur un cheval d’enfant qui se berce tout seul – ou à la légèreté, tel cet ange blanc sur une balançoire dans une lumière bleue.

Côté trame sonore, tout au long de Slava’s Snowshow, c’est typiquement circassien, mais ça devient aussi vraiment inquiétant et mélancolique à certains moments. D’ailleurs, les acteurs sont vraiment bien synchronisés avec les bruits caricaturaux.

Interaction à l’honneur

Le spectacle est évidemment très bien rodé, compte tenu du nombre phénoménal de représentions à travers le monde. Les numéros s’enchaînent très rapidement, laissant quelques secondes au public pour applaudir chaleureusement. L’interaction est soutenue de diverses façons. Par exemple, les artistes empoignent les mains des spectateurs de la première rangée. Le personnage principal fait le ménage de confettis dans un numéro, mais n’hésite pas à repeigner un homme avec son balai! Deux clowns amènent une spectatrice sur scène, et on se demande si elle fait partie des farceurs. Ceux-ci tiennent le public dans le creux de leurs mains ; les gens s’amusent à explorer différentes exclamations, modulées selon les mouvements des clowns. Certaines femmes de l’assistance sont prises d’un fou rire insistant et fort, et les comédiens les fixent d’un air ahuri pendant plusieurs longues secondes. Une grande partie de la salle rit à son tour… C’est contagieux!

Une myriade d’effets spéciaux

Un clown balaie la scène et il se prend dans un gros tas de toiles d’araignées. D’autres viennent l’aider, mais ils sont maintenant tous pris dans les fibres blanches. Puis, subitement, un épais rideau de cette toile tombe du plafond! Les clowns l’envoient se promener vers l’arrière de la salle, par dessus toutes les têtes. Elle s’étire sans fin et les gens rient de leur entremêlement dans les filaments volatils.

Après l’entracte, les clowns se sont improvisés équilibristes : ils marchent sur les rangées des sièges comme sur des poutres. Les bouffons arrosent ensuite les gens avec des pistolets à eau, et ils se promènent entre les sièges avec des parapluies tournoyants qui laissent tomber de l’eau sur l’auditoire.

Au dernier numéro, le personnage principal pousse une énorme boule de neige. Les panneaux de tissu épais du décor sont retournés, dévoilant des murs de neige. L’éclairage crée un superbe jeu d’ombre dans le relief des tissus. Puis, on est soudainement aveuglé par un gros panneau de lumières LED, et abasourdis par le chœur initial de la cantate des Carmina Burana, O Fortuna. Une abondance de confettis tombe sur la foule, qui apprécie le clou de la soirée. Des enfants lancent de la fausse neige dans les airs et sur leurs parents, pouffant de rire.

Souvenirs surréalistes

Finalement, des ballons géants sont lâchés dans la salle et les artistes arrivent sur scène pour saluer le public, qui fait une ovation. On retient surtout le côté absurde de Slava’s Snowshow ; l’absence de fil conducteur devenant le fil conducteur, le paradoxe se complète en lui-même. Les situations rocambolesques, les éléments inattendus et sans logique, sont pourtant la colonne vertébrale de toute l’affaire… Un chaos méticuleusement organisé, impeccable. Tempête surréaliste!

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