crédit photo: Philippe Nguyen
Fringe

St-Ambroise Fringe 2014 | Retour sur cinq spectacles

Chaque année, c’est pareil : difficile de choisir parmi les trop nombreuses productions présentées au St-Ambroise Fringe. En plus, c’est pas mal tout le temps un guess, tu sais pas trop dans quoi tu t’embarques. Tu fais un peu le saut à l’aveugle. Difficile de choisir, aussi parmi les tout aussi nombreux événements qui ont lieu en même temps, marquant le début de l’été et de la folle saison des festivals. Quoi qu’il en soit, on est parvenus à caler quelques shows à l’agenda pour se donner une idée de la mouture 2014 – 24e édition de ce festival de l’éclectisme.

Cirque Prom

Cirque PromLa compagnie The Radiant/Le Radiant, formée de diplômés des écoles de cirque, a connu un pas pire succès l’an dernier avec son one woman show The Rendez-vous : il sera cette année présenté dans le cadre de la 5e édition de Montréal Complètement Cirque. C’était plus que suffisant pour piquer notre curiosité!

La proposition de cette année, Cirque Prom, nous ramène à la fin du secondaire pour nous plonger en pleines festivités du fameux bal des finissants, « the most important night of your life, ever. » Show bilingue un peu déluré et un peu convenu, Cirque Prom propose, sur une trame sonore des années 80, la panoplie de clichés associés à la prom en nous propulsant dans une soirée loufoque où numéros clownesques, acrobatiques, dansés ou chantés nous font passer un agréable moment — sans surprises toutefois —, mettant de l’avant à quel point toutes les facettes de l’indispensable bal des finissants, auxquels les ados ont si hâte, n’est en fait qu’un cirque ridicule.

Sous l’égide de l’organisatrice-chaperon, on assistera notamment à la préparation des quatre protagonistes pour la soirée, à un concours de bitch, à un talent show, à l’élection de la Prom Queen, le tout avec force cabotinage et participation du public, auquel les comédiens-acrobates se mêlent avec le plus grand naturel pendant cette heure de divertissement sans prétention qui, même si prévisible, décoche rires et sourires.

Les Ordinateurs

Les OrdinateursLes Ordinateurs, une création de la compagnie La Bouilloire, la 5e à ce jour, nous a donné à voir et à entendre tout le talent d’auteur et le sérieux de la démarche de Dominique Piché (récipiendaire en 2012 du Prix CEAD, Auteur francophone le plus prometteur pour Le Rétroviseur).

Beaucoup de recherche, beaucoup de questionnements, une mise en scène sobre où tout s’éclaire dans les dernières minutes, dans le silence le plus complet. Du théâtre avec juste assez d’abstraction pour amener le spectateur à se poser des questions sur ce qu’il voit, ce qu’il comprend de ce qui se passe sur scène ; du théâtre sur lequel repose un texte fort, dans une langue riche. Le personnage principal, Louis, qui ne sait pas trop où il s’en va, malheureux, taciturne et solitaire et dont la contrepartie féminine est la blonde toute pétillante, se liera d’amitié avec deux weirdos revendicateurs dont l’objectif est d’apprendre à se déconditionner de ce pourquoi on est programmés.

À travers la création d’un programme marginal où ils tenteront de faire un pied de nez au moule dans lequel nous avons tous été coulés par la société, ils l’entraîneront dans leur délire de rébellion et le confronteront à toutes sortes de concepts, dépression, résistance aux influences, créativité. Louis jouera le jeu, des fois non, questionnera beaucoup, hésitera. Et puis un vrai anarchiste, organisé, soutenu, se pointe et détruise le fragile équilibre qui se créait au sein du trio. Chapeau aux acteurs.

INDEX ou Révision d’une convention en fonction d’une variation

INDEXOn est dans 1984 ou dans n’importe quelle autre œuvre où il y a un quelconque Big Brother qui nous surveille d’un peu trop près. Dans INDEX, on aurait envie de se faire coudre les lèvres, parce que les mots sont taxés. Un « Gouvernement national » annonce régulièrement les nouveaux noms communs ou verbes qui sont mis en marché et confronte ainsi le couple qui s’effrite sous nos yeux à modifier son style de vie pour survivre, à faire des choix difficiles pour passer à travers, à se trouver confronté aux choix de chacun selon ses valeurs. Comment s’en sortir, quand chaque mois la facture de mots est plus élevée que ton loyer? Quand les mots coûtent trop cher pour exprimer ce que tu vis, ce que tu ressens, le mutisme est-il une solution?

Le sujet, fort intéressant, aurait pu être exploité davantage, poussé beaucoup plus loin et, surtout, moins dilué par les apparitions de la narratrice-poète dont on ne saisit pas la pertinence et encore moins le propos. À force de tendre l’oreille pour comprendre les mots alambiqués qui sortent de sa bouche, on se tanne, on décroche, on aimerait comprendre ce qui est dit, et pourquoi, mais on lâche prise, confus, pour se concentrer sur le drame qui se vit chez le couple qui se désagrège sous nos yeux.

Roller Derby Saved my Soul

Roller DerbyOn ne pourra passer sous silence l’assez amère déception causée par la version Fringe 2014 de Roller Derby Saved My Soul, un show primé présenté en première montréalaise au Zoofest 2013. De one woman show touchant, comique, senti, c’est devenu une grosse pub pour le roller derby. Un matraquage d’une heure, 60 minutes à se faire bassiner sans relâche et sans nuance. L’essence même de ce qui nous avait plu l’an dernier a été évacué de la nouvelle version, c’est-à-dire l’histoire et le contexte d’une trentenaire geek avec pas gros d’estime ni d’ambition qui se ramasse un peu par hasard sur une track avec des patins à roulettes pis une étoile sur un casque. Et que, au fond, c’est la meilleure chose qui lui soit arrivée.

Il était important d’exposer le personnage d’Amy et son parcours pour comprendre pourquoi le roller derby lui a fait tant de bien au bout du compte. Mais out le chapitre sur sa job minable en service à la clientèle, out son béguin pour un sexy barista (d’ailleurs remplacé par une passion lesbienne), out les tergiversations existentialistes, presque out le build-up au sujet de son sentiment d’infériorité vis-à-vis de sa sœur et presque out aussi l’autoflagellation comique qui nous la rendait sympathique. Out dans le fond la vie du personnage, sa construction, sa spécificité, son authenticité. Roller Derby Saved Corrupted Her Soul, finalement.

Cherry Typhoon And Her Burlesque Ninja

Burlesque NinjaCerise sur le sundae, Cherry Typhoon avait l’honneur de présenter le tout dernier show du Fringe 2014 ! Dans un Wiggle Room absolument comble et particulièrement enthousiaste, ce « cabaret japonesque » néoburlesque fluent dans les deux (trois?) langues présentait toutes sortes de numéros d’effeuilleuses aux costumes extravagants, une panoplie de personnages déjantés et archicolorés, sur fond d’histoire rocambolesque de ninja du burlesque.

Cherry Typhoon anime la soirée avec beaucoup de saveur et d’excentricité, tantôt en coquine Geisha rondelette, tantôt en misogyne moustachu ventripotent, misogyne qui sera pourfendu par la ligue des burlesque ninjas, dévoilée au fil des numéros éclatés qui auront éclos entre les rideaux de velours rouge. Du burlesque pur, beaucoup d’absurde, pas grand-chose de pris au sérieux (anyway, on n’est pas là pour ça!) ; tout est bon, pourvu que ça fasse rire, que ça divertisse, que ça entertain et que la salle s’esclaffe. Belle réussite, et mention spéciale à Odile la ballerine, l’ingénue qui cherchait gloire mais n’avait pas le body pour, selon les standards du moustachu… Elle nous a offert de superbes apparitions.


 

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