Sur le Divan | Entrevue avec Mark Sultan : Punk un jour…

Dans le cadre de la série Sur le Divan, Sors-tu.ca, Camuz et Baron Mag, en collaboration avec le Divan Orange, vous présenteront trois fois par mois l’un des artistes en concert au Divan Orange. Après BODØ la semaine passé, nous continuons cette série avec Mark Sultan, de retour au Québec après quelques mois passés sur les routes  d’Europe.

Fraichement débarqué de l’aéroport, nous avons rencontré Mark Sultan en début de semaine à l’occasion de son passage au Divan Orange ce vendredi 21 mars. De retour dans la belle province pour régler quelques affaires et passer du temps avec sa famille et ses amis, ce concert ne marque pourtant que sa troisième date à Montréal en l’espace de huit ans. Vétéran de la scène punk-garage dans la région, Mark s’était illustré dans les années 1990 avec des groupes comme The Spaceshits ou Les Sexareenos. Aujourd’hui quelque peu déconnecté avec la scène québécoise, il livre ainsi a Sors-tu son expérience de musicien sur la route, son ressenti face à l’évolution musicale aujourd’hui.

 

Boire et déboire

Personnage franc, sans prétention, Mark Sultan continue de vivre pour sa passion et tout ce que la musique a pu, et continue de lui apporter à coté. « J’ai toujours voulu faire de la musique. J’ai travaillé comme tout le monde, mais j’ai quitté ça il y a 13 ans. Je préférais vivre de manière très modeste que de travailler pour des cons. C’était pas une décision juste artistique, j’avais envie de découvrir le monde et échanger avec plein de gens différents ». Il revient sur son projet de one-man band après avoir collaboré longuement en duo avec King Khan, et participé à quelques projets en groupe (Almighty Defenders, The Ding Dongs). Pour autant, il n’a jamais arrêté de composer pour lui à coté. « Il y a une espèce de magie avec le jeu en groupe (…) des fois on a besoin des autres pour changer d’énergie. Je suis revenu en solo récemment parce que j’avais probablement besoin de ça dans ma vie, de me recentrer dans cet état d’esprit là ».

De retour de son périple européen, Mark nous a fait part des nouvelles difficultés qu’il rencontre aujourd’hui. « Des fois, on est mieux accueilli dans les lieux plus isolés. Le problème aujourd’hui souvent dans les grandes villes, c’est que le public ne sait plus vraiment profiter d’un spectacle. C’est comme s’il avait déjà assisté au concert sur YouTube avant de venir ». Ces dernières années, Internet a sensiblement changé la manière de percevoir la musique et les projets one man band se sont multipliés récemment grâce à l’amélioration des procédés techniques, surtout en Europe. Mark admet que le marché se sature de plus en plus : « On entend souvent la même chose. C’est très plate, et du coup je me demande pourquoi je continue à faire ça. En conséquence, je redouble d’effort pour me démarquer ».

D’une manière générale, il estime qu’il y aurait une perdition sur l’essence même de la musique, qui se perd : « dès que tu sors un truc ‘’normal’’ tout le monde s’étonne. Les musiciens voient pleins de choses sur le web et estiment ainsi qu’ils sont capables de tout faire, on en oublie l’essentiel, c’est stupide. » Ainsi Mark a toujours préféré rester sur une formule acoustique, sans effets ni contenu superflu. Les caisses au pied, et la guitare à la main, il continue de faire vivre le rock’n’roll qui l’a fait grandir musicalement.

 

« I Hear A New World »

Mark Sultan réside avec sa femme depuis près d’un an à Berlin. Bien qu’occultée par la scène électronique, une culture punk/rock est toujours présente dans la capitale allemande, comme dans le reste du monde : « il y a effectivement des choses qui se passent récemment, les gens aiment le rock’n’roll mais n’ont pas la même manière de penser qu’à l’époque ». Il estime qu’un esprit, l’ « ethos punk » comme il dit, s’est perdu avec le temps : « Quand j’étais jeune, les gens ne prenaient pas la musique de la même manière qu’aujourd’hui. L’expérience musicale pour moi c’est très viscéral, ça doit prendre par les trippes, c’est comme consommer de l’acide ou baiser une fille. En ce moment c’est très différent, on est plus sur une culture speed, cocaïne ».

Il constate cependant que les mouvances mainstream aujourd’hui fonctionnent sensiblement de la même manière que les courants underground à l’époque « les gens ont des idoles, écoutent un style qui est très plébiscité pendant 3 semaines et passent à autre chose, et les artistes produisent tous la même musique sans que cela ne choque jamais personne ». Visant l’engouement derrière la musique électronique aujourd’hui, il estime que « les choses les plus faciles, sans profondeur, sont les choses que les gens aiment le plus parce qu’ils ne veulent justement pas penser à autre chose, ils veulent juste consommer ».

 

« Je ne suis pas sérieux mais mon cœur est là pour la musique. »

En définitive, Mark admet que beaucoup artistes conçoivent maintenant la musique comme une « fonction ». Il ne cherche pas à pointer ces nouveautés comme une évolution ou une régression dans la musique, mais considère que le travail musical doit être perçu comme une « extension de l’âme », un mode de vie, une manière de penser et d’exister plus qu’une profession, qui implique effort, sacrifices, passion; c’est véritablement ce qui se perd aujourd’hui pour lui.

Mark Sultan s’envolera vers les Etats-Unis pour une tournée avec King Khan après son passage au Divan Orange. Il travaille présentement sur la sortie d’un nouvel album en duo, et pas moins de quatre productions solo prévues pour cet été. Il nous a finalement fait part de sa volonté de reprendre la route, cette fois ci pour l’Est de la Russie et le Japon.

Plus de détails sur le concert de Mark Sultan au Divan Orange, ce vendredi 21 mars 2014

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