Svadba

Svadba à Espace Go (présenté par Opéra de Montréal | Vers de nouveaux horizons

Créé pour la première fois en 2011 à Toronto, l’opéra Svadba (« mariage ») d’Ana Sokolović est présenté toute cette semaine en première montréalaise par l’Opéra de Montréal au Théâtre de l’Espace Go.


Svadba, dont la partition s’inspire de thème du folklore serbe, pays dont est originaire la compositrice, est un opéra pour 6 voix de femmes a capella, accompagné de quelques notes aux percussions. Il s’intéresse à la question du mariage et plus particulièrement la nuit précédent le grand jour, un sujet peu traité dans un cadre opératique. Nous assistons à une réunion d’amies proches de la mariée qui sont là pour l’accompagner dans ce qui sera l’un des plus grands évènements de sa vie. Les jeunes femmes traversent toutes une panoplie de rituels qui nous sont plus ou moins familiers. Les époques se superposent : l’opéra est résolument moderne et propose quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de voir tandis que la trame narrative emprunte énormément à une époque plus lointaine.

Présenter une oeuvre qui apporte tant de nouveautés est toujours un défi quand le public est habitué aux grands classiques mais il permet aussi de déconcerter et d’engager une nouvelle réflexion artistique. Le décor, assez épuré, est composé de panneaux blancs translucides suspendus dans les airs derrière lesquels se cachent les robes de demoiselles d’honneur des amies de la mariée, Milica, tandis qu’au centre de la scène est exposée la robe de la mariée. Quelques objets du quotidien sont disposés sur la petite scène : une table, cinq chaises.

La musique d’Ana Sokolović utilise des thèmes du folklore serbe mais est surtout particulièrement intéressante du point de vue du traitement des voix où l’on peut y découvrir de nombreuses possibilités de l’exploiter. Parfois, elle apparaît comme un instrument propre et se déroule alors de longues lignes polyphoniques d’où l’on a l’impression d’entendre une flûte ou une pédale de cordes. D’autres fois, il s’agit de faire ressortir le côté percussif à l’aide d’un travail sur le rythme et les inflexions de la voix grâce à des syllabes courtes et des onomatopées. Il y a à proprement parler peu de paroles et de phrases mais cela ne gène pas à la compréhension de l’œuvre puisque là n’est pas le point le plus important de la pièce. De plus, cela implique beaucoup plus le jeu de comédiennes des chanteuses puisque c’est surtout par la gestuelle que la narration va pouvoir être comprise.

Les six chanteuses réunies ce soir (Myriam Leblanc, Suzanne Rigden, Chelsea Rus, Rose Naggar-Tremblay, Caroline Gélinas et Rachèle Tremblay) portent la pièce qui peut au premier abord déconcerter avec une grande complicité. Leurs timbres s’accordent à merveille et permet de suivre les virages harmoniques sans problème. Au-delà de leur aisance vocale et de leur assurance scénique, elles ont aussi toutes les six une personnalité marquante qu’elles arrivent à faire ressortir aux bons moments. Elles n’hésitent pas non plus à jouer le jeu de la transformation de voix que l’œuvre demande à certains endroits, ce qui apporte énormément de caractère et fait avancer la trame. Myriam Leblanc porte une Milica aux diverses émotions avec beaucoup d’ampleur et on retiendra longtemps son dernier solo d’une finesse aérienne.

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