SXSW

SXSW 2014 – Jour 2 | Damon Albarn, St. Vincent, Les Claypool, Against Me! et plus

Y’a de ces jours où un événement fortuit vient faire ombrage à l’intensité d’une expérience. Pour les festivaliers de South By Southwest, à Austin au Texas, la soirée de mercredi s’est terminée sur une fausse note lorsqu’un chauffard a fauché 23 personnes devant le populaire club Mohawk en tentant de fuire la police. Deux d’entre elles ont succombé à leurs blessures. De quoi envenimer la joie qui régnait sur le vaste site du festival…

La nouvelle frappe doublement lorsqu’on réalise la proximité des événements. L’incident s’est produit vers minuit-trente, soit grosso modo une heure après notre présence sur les lieux.

Au moment de notre départ, ††† (ou Crosses), le projet parallèle du chanteur de Deftones Chino Moreno, débutait ce qui semblait être un set abrasif à souhait.

Nous nous y trouvions plutôt pour voir à l’oeuvre le grand Les Claypool et son pote d’enfance Bryan Kehoe, rassemblés sous le sobriquet de Les Claypool’s Duo de Twang. Un genre de trip bluegrass pour les deux musiciens chevronnés, qui ont réinterprété des hits de Primus (Wynona’s Big Brown BeaverJerry Was A Race Car Driver), quelques titres solo de Claypool, ainsi qu’une reprise étonnante de Staying Alive et une autre, étrangement farfelue, de Man In The Box d’Alice In Chains.

Assis sur de petits tabourets devant un « feu de camp » (le genre de feu de camp électrique en plastique acheté au Wal-Mart), les deux compères ont même reçu la visite du sympathique Dr. Madd Vibe (Angelo Moore) du célèbre groupe Fishbone, pour « extirper quelques notes du saxophone de Satan ».  Fort sympathique, tout ça.

Les Claypool. Photo par Marc-André Mongrain.

Les Claypool. Photo par Marc-André Mongrain.


 

Cerebral Ballzy au Mohawk

Juste avant, sur la même scène, un groupe punk tonitruant du nom de Cerebral Ballzy nous arrivait directement de New York avec une rage de vivre qui donnait lieu à une rare violence sur scène. Le chanteur Honor Titus fait un peu penser à une version de MC Ride (Death Grips) sur une drogue plus downer. Mais sa présence de scène en impose : le chanteur enragé grimpe sur les colonnes de son, se pend par la gorge avec son fil de micro, saute dans les airs, s’agenouille et gueule sa vie dans le pauvre micro sans défense.  Époustouflant.

Un nouvel album intitulé Jaded & Faded devrait voir le jour en mai, apparemment, et Dave Sitek (de TV On the Radio) serait crédité pour la réalisation du disque.

Photo par Marc-André Mongrain.

Honor Titus, de Cerebral Ballzy. Photo par Marc-André Mongrain.

 

Kelis, St. Vincent et Damon Albarn au Stubbs

De l’autre côté de la rue, du côté de la cour arrière du Stubbs, la foule était compacte pour une soirée qui promettait.

À notre arrivée, Kelis s’affairait à nous démontrer qu’elle est bien plus qu’une one-hit wonder – on se rappelle tous de son Milkshake qui « brings all the boys to the yard » – mais aussi une chanteuse à la voix unique et à la présence de scène intéressante.

Elle se la joue un peu Badu, la Kelis, sans pour autant en avoir totalement le charisme ni la dégaine. Son R&B de type post-Lauryn Hill n’est certainement pas sans charme, par contre, et son groupe rodé au quart de tour ajoute de la profondeur à son matériel.

Photo par MAM

Kelis. Photo par Marc-André Mongrain.

Tout de suite après s’amenait le clou de la soirée : l’excellente Annie Clark, alias St. Vincent.

Plus tôt en journée, Clark donnait une entrevue publique au Austin Convention Center où elle expliquait avoir jalousé David Byrne et les musiciens de sa tournée conjointe avec lui pour toutes ces chorégraphies que l’on retrouvait lors des spectacles. Des petits mouvements de danse bizarres, totalement Talking Head-esques.

Eh bien, elle s’en donne désormais à coeur joie avec son nouveau show. La chanteuse et guitariste à la chevelure blonde platine hirsute s’éloigne à l’occasion de sa précieuse guitare électrique pour danser, multiplier les mouvements étranges et les poses érotico-malaise, dans une mise en scène à double-sens tout à fait au diapason des propos de ses chansons.

Les nouveaux titres – tirés du savoureux St. Vincent, paru en février – ont déjà de la gueule sur scène : Birth In ReverseRattlesnakeHuey Newton (et sa finale bruyante) et l’étourdissante Bring Me Your Loves, notamment, gagnent en valeur lorsqu’interprétées par Clark et ses trois musiciens. Son claviériste-bidouilleur, en particulier, fait un travail génial dans l’ombre : c’est lui qui manipule par sons MIDI les effets de guitare de Clark, ce qui permet au show de se rapprocher des sonorités variées entendues sur les albums de St. Vincent.

Annie Clark a manqué de voix vers la fin du concert, visiblement ennuyée par un problème de gorge, mais rien qui ne fasse ombrage à cette superbe prestation, haute en intensité et parfaitement rodée, avec les éclairages et la mise en scène bien calibrés pour mettre en valeur les chansons.

Pour ceux qui se le demandent : non, Clark n’a pas surfé la foule lors de l’interprétation de la très punk Krokodil, comme elle a l’habitude de faire… Espérons que ce ne soit pas une nouvelle habitude…

Photo par MAM

St. Vincent. Photo par Marc-André Mongrain.

Le très attendu Damon Albarn suivait, toujours au Stubbs. Par « très attendu », on veut aussi dire qu’il s’est fait attendre… Plus d’une heure a séparé le set de St. Vincent et celui du célèbre leader de Blur et Gorillaz.

Visiblement, ce n’était pas de son ressort, puisque lors de son arrivée (vers 1h15, alors qu’il devait commencer à minuit-trente), Albarn a laissé entendre que le temps pressait et qu’il devait couper dans sa grille de chansons, en plus de réduire au maximum ses interventions afin d’offrir plus de chansons.

Au final, il n’aura joué que neuf chansons seulement, dont cinq nouvelles, à paraître sur son tout premier album solo, attendu pour avril.

À première écoute, on aime le petit côté mélancolique et texturé de titres comme Everyday RobotsYou and Me ou Hollow Ponds, mais la foule voulait visiblement entendre davantage de chansons des projets qui l’ont rendu populaire. Albarn est ses musiciens ont tout de même entonné Tomorrow Comes Today et On Melancoly Hill de Gorillaz, ainsi que All Your Life de Blur et même Kingdom of Doom de son projet The Good, The Bad & The Queen.

Au bout de 45 courtes minutes, le prince de la pop britannique, visiblement agacé, a dû terminer son concert abruptement… Heureusement, on pourra le revoir, possiblement plus longtemps, au Fader Fort demain.

Photo par MAM.

Damon Albarn. Photo par Marc-André Mongrain.

Conférences, BBQ et Against Me !

Ce n’est là qu’une parcelle de ce que l’on a pu voir en une journée à SXSW.

S’y ajoute notamment un concert semi-secret d’Against Me! au Hype Hotel – avec des tacos indigestes de Taco Bell gratuits – en plein après-midi. Ça fait partie du charme de ce genre de festival : voir Against Me! dans une salle beaucoup trop petite avec un son beaucoup trop cru. Bien entendu, les arrangements n’étaient pas mis en valeur par un tel contexte, mais pour un groupe qui carbure à l’adrénaline, ça fait du bien de se faire arracher les oreilles de la sorte. On y ressentait une intensité souvent noyée lors de concerts plus « gros ».

Un BBQ tout-canadien, aussi, avec The Darcys, A Tribe Called Red et Grand Analog, entre autres. Buffet et ambiance correctes pour un mercredi pm.

Oh et il y avait aussi des conférences et entrevues publiques tout au long de la journée.

C’est pas tous les jours qu’on peut entendre Jarvis Cocker (de Pulp) nous parler de la vraie personne ayant inspiré Common People, une fille riche blasée qui fantasmait réellement de pauvreté, comme s’il s’agissait d’un mode de vie branché à envier.

C’est pas tous les jours qu’on peut entendre Annie Clark (St. Vincent) nous parler de sa fascination pour le sport, d’imagerie religieuse, de danse, du tabou de la sexualité banale, ou de nous raconter la fois où elle entrepris de transposer toutes les notes du premier album de Madonna en mode mineur, juste pour le fun. « Ça donne un résultat un peu déprimant, je dois avouer ».

En revanche, c’est pas tous les jours non plus où l’on peut entendre les trois principaux membres de Blondie déblatérer comme des vieux cons sur le bon vieux temps. Oh well.

* Merci à LOJIQ pour avoir permis la réalisation de ce reportage.

Photo par MAM

Jarvis Cocker en conférence. Photo par Marc-André Mongrain.

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