Uli Jon Roth

Uli Jon Roth aux Katacombes | Voyage guitaristique intersidéral sidérant

Si chaque note de guitare jouée mercredi soir était un kilomètre, ça donnerait sûrement plusieurs fois la distance entre la Terre et la lune. Et sur la scène minuscule des Katacombes remplies à craquer, le guitariste allemand et sa bande de guitar heroes nous ont fait voyager aux limites de la galaxie musicale.


Il convient tout d’abord de préciser le caractère exceptionnel de l’évènement : trois guitaristes de renommée internationale, dont le légendaire Uli Jon Roth (Scorpions) jouent dans cette petite salle de 400 personnes ! Alors que ces trois musiciens ont tous joué dans les plus grands stades du monde dans le passé. Incroyable, même pour eux qui font leur plus petite scène de la tournée, mais quelle grande soirée ! Les Katacombes sont évidemment remplies, balcon inclus, pour admirer la tournée The Ultimate Guitar Experience.

 

Andy Timmons : un début explosif

Au même titre que Ritchie Kotzen dans Poison ou George Lynch dans Dokken, Andy Timmons (avec Danger Danger) fait partie de ces virtuoses qui ont joué avec des grands groupes de glam rock dans les années 80, dans des genres plutôt cheesy les mettant peu en valeur, mais leur ayant donné plus de succès que des carrières solos.

Andy Timmons-Katacombes-2016-2

C’est donc seul, avec batteur et bassiste, qu’Andy Timmons s’approprie la petite scène et y met le feu d’emblée. Le guitariste est impressionnant, avec un gros son aux accents blues. Son jeu est puissant, rapide et brutal, sans jamais une note approximative, avec des nuances et dynamiques remarquables. On retient sa version instrumentale de Straweberry Fields des Beatles, et un étonnant morceau country très rapide, où Andy excelle en finger-picking et cavale sans jamais trébucher sur son manche. Un guitariste hallucinant. Inutile de préciser que niveau rythmique il y a aussi du gros niveau, avec notamment un bassiste qui a des airs d’un jeune Cliff Burton.

Je me risque en fin de soirée, alors qu’il boit des bières avec le public, à le taquiner avec la question : « Pourquoi tu n’a pas joué Boys Will Be Boys (tube de Danger Danger) ? ». Ce à quoi il me répond: « Because you’re a motherfu**er ! » en éclatant de rire, surpris d’entendre quelqu’un faire cette référence, et me racontant que c’était tout de même une bonne période de sa vie et de bons souvenirs. Pour les fans, sachez qu’il prépare un album solo et qu’il compte bien revenir à Montréal, très satisfait de sa soirée.

 

Jennifer Batten : un univers singulier

Si vous avez regardé des vidéoclips de Michael Jackson, ou surtout des concerts, vous vous souvenez peut-être d’une guitariste à la crinière blanche, au look extravagant, qui jouait notamment le fameux solo de Van Halen dans Beat It. Et bien elle est ici, ce soir, sur la petite scène des Katacombes ! Encore une à qui ça doit faire bizarre de ramasser ses câbles dans un bar alors qu’elle a joué dans les plus gros stades du monde avec le Roi de la Pop…

Jennifer Batten-Katacombes-2016-2

La voici donc 20 ans plus tard, et oui elle a pris un coup de vieux, mais j’aimerais voir ta mère sur une scène à 60 ans avec les cheveux blancs et rouges, une veste de cuir et studs, maîtriser une guitare Washburn unique fabriquée pour elle et envoyer des gammes et solos remarquables !

Cependant, il faut avouer qu’après Andy Timmons, l’ambiance change, l’intensité baisse un peu… Jennifer joue seule avec une bande son, c’est forcément moins puissant. Puis elle a ramené un écran en fond de scène (placé de travers vu la taille de la scène) qui projette selon les chansons des images assez psychédéliques, des animations, un Godzilla en noir et blanc des années 70, ou encore des images de ses chats et le royaume qu’elle leur a construit. Un univers bien à elle où les gens n’embarqueront pas tout le temps.

Musicalement, son jeu est beaucoup plus délicat, moins agressif que Timmons, mais explore des gammes plus dissonantes, presque jazz, tout en mélangeant les techniques de tapping et des effets divers. Battens maîtrise son élément, mais dans un univers moins accessible, et le tout en jette peut-être moins aux yeux du public.

Elle terminera avec un medley assez rapide, éclectique et un peu bâclé, enchaînant des bouts de Pulp Fiction, Rock’n’roll Hoochie Koo, ZZ Top, un bout de solo de Free Bird, de Stairway to Heaven, du David Bowie et Aerosmith, pour conclure avec un extrait de Satch Boogie de Satriani, qui fait lever l’ambiance, et enfin, celui qu’on attendait : le solo de Beat It de Michael Jackson. Un peu décevant pour ce dernier, on aurait attendu plus qu’un court extrait avec une bande son. Une performance quand même remarquable, mais qui n’accotera pas le feu mis par Andy Timmons.

 

Uli Jon Roth : le maître de cérémonie

C’est fou de se dire que cet homme a sûrement fait ses premières gammes il y a presque 50 ans…et il y a un peu moins de 40 ans, il jouait notamment l’anthologique performance Tokyo Tapes avec Scorpions, groupe qui l’a fait connaître au début des années 70. C’est donc une chance inouïe de voir ce grand guitariste en spectacle, qui-plus-est aux Katacombes, je me répète mais peu de gens ont eut la chance d’assister à ça dans leur vie.

Uli Jon Roth-Katacombes-2016-8

La scène commence à être vraiment petite car il y a maintenant un claviériste, un guitariste chanteur, un troisième guitariste, et, accueilli sous une ovation, le maître de la soirée, se frayant un chemin au milieu des pédaliers immenses qui prennent toute la place.

Après une introduction instrumentale, le chanteur John West (connu notamment avec Royal Hunt) monte sur scène pour Still So Many Lives Away. Le son est très bon et on apprécie déjà la touche exceptionnelle d’Uli Jon Roth, son jeu si transcendant sur ses guitares signature Dean uniques. 24 cases ce n’est pas assez pour le virtuose qui en possède 30, pour repousser les limites soniques du monde de la guitare.

Le classique de Scorpions Sails Of Charon fait exploser la foule, tout comme l’enchaînement de We’ll Burn The Sky et In Trance, dont les interprétations du groupe à Uli sont simplement incroyables. La configuration de trois guitares est très bien utilisée, avec le jeune prodige David Klosinski et Niklas Turmann (un bon chanteur mais dont la voix n’est pas forcément la meilleure dans le genre…) qui embarquent sur des passages totalement épiques de triples solos harmonisés. Extases auditives menées par un shaman de la six cordes.

Le roadie, dont le travail est plus compliqué ce soir avec la scène étroite, se fraye tant bien que mal un chemin et amène alors une guitare à double manche dont un de 7 cordes, qu’Uli utilise pour une improvisation sompteuse, très flamenco, en son clair, avant de jouer le plus médiéval Rainbow Dream Prelude, suivi de l’inévitable Fly To The Rainbow. Son jeu est vraiment intéressant et d’un style unique.

Outre son feeling, Roth sort des sentiers battus en se promenant dans des gammes plus orientales et exotiques, et intègre habilement des subtilités techniques. Dark Lady viendra aussi emmener son pesant de solos harmonisés à plusieurs guitares, et sera un énième tremplin pour qu’il s’envole dans les étoiles au bout de son vibrato et de ses 30 frettes.

 

Ménage à trois : threesome en La mineur

Mais vous ne vous en tirerez pas comme ça. Généreux comme toujours, Uli Jon Roth invite alors Jennifer Batten et Andy Timmons à le rejoindre sur scène pour un final explosif, une orgie guitaristique, qui se traduit aussi par une invasion de pédales sur la scène, et je parle bien d’effets de guitare.

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Après All Along The Watch Over de Bob Dylan, où chacun passe rapidement un solo, Uli lance la suite d’accords bien connue de House Of The Rising Sun, où John West revient chanter. Malgré le fait qu’elle soit un peu en retrait, Jennifer Batten remonte dans ce morceau et reconquiert le public avec un superbe lead, très inspiré. Le jam se termine avec Little Wing de Jimi Hendrix. C’est au tour de Andy Timmons de s’illustrer en faisant arrêter la batterie pour envoyer son lead absolument seul, tenant le public au bout de ses doigts dans un moment assez grandiose. Uli Jon Roth le regarde en souriant, ayant encore des cartes à jouer.

Alors qu’on pense que c’est la fin du morceau, Uli relance doucement un lead en son clair, tricotant dans un blues très mélodique. Jennifer et Andy l’observent, puis se rajoutent peu à peu en essayant de le suivre, parfois en question-réponse, parfois en harmonisant certains passages, et le tout monte en intensité, pour enfin retomber sur le dernier accord et conclure. Quelle fin incroyable, du grand art.

Une soirée exceptionnelle, à l’image de la gentillesse et la générosité que dégage Uli Jon Roth, avec surtout une proximité exceptionnelle dans cette salle. Un artiste qui pourrait très bien faire affaire avec les grosses compagnies de production comme Evenko et jouer dans de plus grosses salles, mais qui préfère toujours faire affaire avec des petits promoteurs indépendants. A notre grand bonheur, car des événements de ce genre n’arrivent pas tous les jours. Merci Monsieur Uli Jon Roth.

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