Vol au-dessus d’un nid de coucou au Rideau Vert | Auteur en quête de personnages

Avant de devenir le film bien connu de Milos Forman qui vaudra en 1975 un Oscar à Jack Nicholson et à Louise Fletcher, le premier roman de l’Américain Ken Kesey, One Flew Over The Cuckoo’s Nest, avait déjà fait l’objet d’une adaptation pour le théâtre par Dale Wasserman créée à Broadway en 1963. La pièce repose essentiellement sur l’antagonisme entre ses deux personnages principaux, et la moindre erreur de casting, comme c’est le cas à répétition au Théâtre du Rideau Vert, ne pardonne pas.

On le sait, Vol au-dessus d’un nid de coucou se passe dans un hôpital psychiatrique pour criminels où s’affrontent un nouveau pensionnaire survolté, Randel McMurphy, et la garde en chef Ratched, avec ses règlements stricts et son opiniâtreté dans la bonne marche, la sienne, de l’établissement.

Photo par François Laplante Delagrave

Photo par François Laplante Delagrave

Le tandem est défendu dans la production actuelle par Mathieu Quesnel et Julie Le Breton. Deux excellents comédiens, mais mal castés ensemble, ce qui fait que le courant ne passe pas. Julie Le Breton est trop belle, trop statufiée, trop blanche, trop proprette pour un rôle où elle doit se faire suprêmement détestée par les patients qu’elle supervise en abusant de ses pouvoirs. La comédienne manque cruellement d’autorité et de propension à se faire haïr dans cette mise en scène de Michel Monty où Mathieu Quesnel lui, jouant comme une bombe d’énergie au milieu des autres amorphes et dociles, en fait trop.

Le metteur en scène, qui a aussi traduit et adapté le texte, ne réussit pas à créer le climat d’enfermement, d’oppression, de suffocation, de grande tension qu’exige la pièce pour que le public embarque dans l’histoire, s’attache aux personnages et se sente touché par leur infortune. De plus, les transitions d’une scène à l’autre s’opèrent difficilement, et les nombreux règlements imposés aux patients, les curables et les chroniques, ne paraissent pas suffisamment stricts pour empêcher McMurphay de faire en sorte que ses nouveaux amis, qu’il traite de pissous et de lâches, ne se soulèvent.

Photo par François Laplante Delagrave

Photo par François Laplante Delagrave

Autre erreur de casting qui saute aux yeux, Gilbert Turp en docteur Spivey dont chaque intervention tombe à plat, au lieu de provoquer un doute inquiétant supplémentaire et crédible parmi ces psychopathes en tous genres envers qui il paraît trop mou.

Michel Monty a fait le pari intéressant d’inviter sur cette scène en les mélangeant aux autres des personnes vivant réellement une situation de handicap, qu’il soit intellectuel ou physique. L’idée est louable, mais elle laisse la pièce en manque de personnages forts, comme celui du bègue que joue avec justesse Renaud Lacelle-Bourdon dont les problèmes d’élocution finissent par nous atteindre et nous émouvoir.

La surprise vient cependant du personnage du Chef Bromden interprété par un vrai Indien, Jacques Newashish, né en territoire Atikamekw. Son rôle a plus de chair, mais on lui fait aussi passer le balai, et il doit se démarquer au milieu d’une imposante distribution de 15 comédiens. Dans la vraie vie, Jacques Newashish est peintre et graveur, conteur, performeur et chanteur. Son chant mélancolique ancestral d’ailleurs procure un des meilleurs moments de la pièce.

Sinon, la distribution des médicaments aux patients qui penauds font la queue devant la garde Ratched, les réunions dans la même salle de séjour du comité des patients assis en rond comme dans une thérapie de groupe, deviennent répétitifs. Et l’arrivée de la supposée mère de McMurphay, qui dans les faits est une prostituée, ajoute au malaise généralisé une tournure invraisemblable.

Dans son mot du metteur en scène dans le programme, Michel Monty nous dit que McMurphy a le même ADN que le personnage d’Antigone de Sophocle, alors que la garde Ratched partage celui de Créon, ce père dominateur dont l’autorité suprême est défiée avec force conviction par sa fille rebelle. C’est justement ce climat conflictuel poussé à l’extrême qui manque entre les deux rôles principaux de la présente proposition théâtrale, comme si la pièce Personnages en quête d’auteur de Pirandello devenait ici Auteur en quête de personnages.


 

* Mise à jour (28 mars) : Vol au-dessus d’un nid de coucou est présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 23 avril 2017. Comme les représentations affichaient complet, des supplémentaires ont été ajoutées du 16 au 26 août 2017.

 

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