Théâtre Prospero

Saison 17-18 du Théâtre Prospero | 12 pièces contemporaines audacieuses

C’est sans tambour mais avec trompette en préambule que Carmen Jolin, directrice artistique, a annoncé les 12 pièces au menu des deux salles du Prospero pour la saison qui vient. Une sixième programmation pour celle qui œuvre au Groupe de la Veillée, compagnie mère du Prospero, aux côtés de Gabriel Arcand depuis une trentaine d’années. Une saison sous le signe de l’audace, de découvertes, mais de fidélités aussi, tant aux auteurs qu’aux metteurs en scène pour le plus intello mais néanmoins accessible de nos théâtres montréalais.

Carmen Jolin a parlé de puiser l’eau souterraine, de filiations artistiques, d’alliances naturelles et d’échanges créateurs, faisant ensuite référence à Rainer Maria Rilke en disant que c’est l’art qui nous sauve de nous-mêmes.

« Dépasser les évidences, plonger dans l’indicible avec une grande obstination, au moyen de cris, d’alertes ou de chuchotements, d’images, de sons, de flots de mots, d’averses de silences, d’enivrements, au risque de se tromper, de tomber et de se réjouir de la chute qui nous fera découvrir des sensations et des parfums insoupçonnés qui nous rempliront d’un esprit neuf et d’une clairvoyance renouvelée que nous n’attendions pas », résume-t-elle dans le programme du petit théâtre de la rue Ontario qui a pour seul défaut d’être imprimé sur un banal papier journal dont l’encre tache les doigts.

Photo par Magali Cancel.

Photo par Magali Cancel.

Dès le 26 septembre sur la scène principale, nous pourrons voir Je disparais, de l’auteur norvégien Arne Lygre. Une pièce que le journal Le Monde avait qualifié de « vertigineuse » lors de sa présentation à Paris au Théâtre national de La Colline que dirige maintenant Wajdi Mouawad. C’est Catherine Vidal, une habituée de la Veillée qui sera aux commandes, après les deux œuvres à succès en ces lieux qu’ont été Des couteaux dans les poules de David Harrover et Avant la retraite de Thomas Bernhard.

La pièce, qualifiée de « théâtre de chambre » et de « poème sur l’absence » parle d’exode et d’exil, de peurs primaires et d’empathie pour deux femmes devant fuir leur pays sans qu’on sache trop pourquoi. La distribution de cinq comédiens comprend James Hyndman, Marie-France Lambert et Macha Limonchick.

Photo par Magali Cancel.

Photo par Magali Cancel.

Suivront Les enivrés, d’Ivan Viripaev, un auteur massue né en Sibérie que la Veillée a révélé au public montréalais avec Oxygène et, plus récemment, avec Illusions mise en scène par le même Florent Siaud qui cette fois s’appuiera sur l’adage in vino veritas à travers 14 personnages aux dialogues fulgurants, du plus banal au plus grave, livrés sans retenue de la tombée de la nuit au lever du jour. Parmi l’imposant équipage des 10 comédiens aux langues déliées, on pourra compter sur Paul Ahmarani, David Boutin, Maxime Denommée, Dominique Quesnel et Maxim Gaudette.

Une coproduction Les Deux Mondes et le Rideau de Bruxelles, Warda de Sébastien Harrison, mise en scène par Michael Delaunoy, sera défendue par une distribution belgo-québécoise dont fait partie la toujours excellente Violette Chauveau. L’action de la pièce, sorte de quête initiatique centrée sur un jeune loup de la finance londonien et la vente en apparence anodine d’un tapis chargé de mystère, nous transportera à un rythme effarant dans plusieurs villes des deux continents.

Il faudra attendre jusqu’en février 2018 pour voir ce que la compagnie Les Écornifleuses et la metteure en scène de Québec Édith Patenaude feront de l’énorme Titus, d’après William Shakespeare, dans leur volonté de réappropriation par des femmes des grands classiques. Titus Andronicus est certainement le texte le plus discutable de Shakespeare, le plus machiste aussi, alors que nous retrouverons plutôt sur scène dix femmes et deux hommes dans cette tragédie aussi sanglante qu’insensée autour d’un très vieux guerrier face aux combats de notre temps.

Un solo suivra, Le poisson combattant de Fabrice Melquiot qui mettra en scène lui-même le comédien Robert Bouvier en deuil de sa vie et livrant bataille à sa peur de l’amour. L’histoire est celle d’une séparation, avec dans son sillage la mort d’un petit poisson sauté hors de son bocal, mais surtout de la cavalcade métaphorique de la recherche du meilleur lieu pour l’enterrer, afin de renaître dans une vie délestée de tout souvenir.

La programmation dans la grande salle se terminera avec Le nom, une pièce de l’auteur norvégien contemporain Jon Fosse par la compagnie La Grande Butte, mise en scène par Dominique Leduc. La comédienne Annick Bergeron fera partie de ce huis clos familial à cinq qui questionne la paternité dans le contexte paradoxal de l’humanité actuelle.

Enfin, il faut oser la salle intime où tout au long de la saison se révèleront aux défricheurs des compagnies émergentes à travers six productions à explorer au plus près. Mazal Tov de Marc-André Thibault et le Théâtre Bistouri est du nombre, mise en scène par l’auteur qui dirigera entre autres Jean-François Casabonne dans cette comédie noire où dérape l’antisémitisme au cours d’un mariage entre une femme juive et un homme qui ne l’est pas.

À surveiller également dans la petite salle essentielle du Prospero, Mélanie sans extasy, premier texte d’Édith Paquet avec entre autres Éric Robidoux, et Le désert, une performance de Frédéric Sasseville-Painchaud qui signera également la scénographie et la musique originale de ce spectacle hybride où, le temps d’une nuit noire, le spectateur sera confronté à « une relation toxique où l’Autre devient le remède illusoire à un mal impossible à nommer ».

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