Yevgeni Sudbin

Yevgeny Sudbin et l’OSM | Récital de piano délicat (et impromptu)

Le pianiste Mikaïl Pletnev étant malade et ne pouvant assurer le concert prévu de jeudi soir, l’OSM a donné sa chance à l’un de ses autres artistes en résidence, le pianiste Yevgeny Sudbin. Celui-ci nous a livré un récital très propre, mais dont les œuvres manquaient parfois de maturité.

 

Début en douceur

Sudbin est arrivé sur scène et a commencé sans fioritures la Sonate pour piano en Si mineur (HOB.XVI : 32) de Joseph Haydn. Il joue avec la partition, et nous embarque sur un premier mouvement léger mais parfois timide : le morceau manque de vie. Le deuxième mouvement, le plus calme de la pièce, est marqué par une belle douceur.

Sudbin possède un talent remarquable pour faire sonner les graves, et c’est très apprécié dans ce mouvement si contrasté. Mais là encore, il manque l’étincelle : on assiste à une belle exécution, concentrée, très proche de la partition, mais qui ne nous porte pas. Dans la deuxième partie du mouvement, Sudbin montre un peu plus de fougue et l’ensemble devient prometteur.

Le troisième mouvement, plus rapide et plus intense, est présenté toujours dans le style délicat de Haydn ; le pianiste n’est pas excessif et les doubles croches martelées ne nous ramènent pas vers un style Beethoven, ce qui est très apprécié.

Plus assuré qu’au début du concert, Yevgeny Sudbin livre ensuite Six Bagatelles (op. 126) de Beethoven bien plus colorées que la sonate en si mineur. Chacune de ces courtes pièces est écrite dans un style différent, et le pianiste nous expose très bien ces différences de ton et de sonorités. Les possibilités de l’instrument sont bien exploitées, la qualité technique est toujours irréprochable, et on sent beaucoup plus de ferveur et de lâcher-prise que dans le Haydn. La sixième bagatelle, qui commence sur une entrée en forme de conclusion virtuose, pour ensuite retomber dans un calme pianissimo, a été très marquante pour ses couleurs lumineuses.

 

Deuxième moitié dans un autre registre

Après l’entracte, changement d’époque : nous sont présentées trois courtes pièces de Tchaïkovski : le Nocturne en Fa Majeur, op.10 no.1 ; le Nocturne en do dièse mineur, op.19 no.4 ainsi que deux extraits des Saisons (op. 37bis) : la XI (Novembre : Troïka) et la VI (Juin : Barcarolle). Là encore, si rien n’est reprochable sur le plan technique – Sudbin joue toujours avec la partition – rien n’est vraiment enthousiasmant non plus : il manque à l’exécution le charme du laisser-aller. Les couleurs sont belles, les changements de teinte sont doux et délicats, mais les deux nocturnes ne prennent pas assez d’ampleur. L’interprétation courte des Saisons, dont les deux extraits sont des hits de la musique classique, est plus détendue que celle des nocturnes, plus réussie. On se laisse bercer par la musique, le pianiste aussi, et on entrevoit enfin le potentiel du musicien lorsqu’il parvient à s’éloigner de la partition.

Le récital est clôturé par la Sonate no.5 en Fa dièse Majeur (op.53) de Scriabine. Tout est très propre, mais la profondeur qui faisait déjà défaut avant devient ici un manque important : le morceau est trop en surface, et on décroche un peu malgré des timbres graves vraiment beaux, et des nuances délicates. Sudbin remercie ensuite le public avec deux petits rappels, joués eux aussi avec la partition.

Le programme de ce soir manquait de maturité musicale, mais peut-on vraiment le reprocher, puisque ce récital n’était à la base pas du tout prévu ? La présence de la partition tout au long du récital en dit long sur l’état du travail effectué : si Sudbin avait toutes les qualités techniques pour jouer ces œuvres, il lui a probablement manqué un peu de temps pour parfaire ses interprétations et s’éloigner de la partition pour renforcer la musicalité et la profondeur. On retiendra un jeune pianiste prometteur, mais qui a eu du mal à nous montrer tout son potentiel ce soir.

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